Cercle Zetetique

Quand Yves Lignon veut bouffer du Broch...

Par Laurent Puech, décembre 1998.

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Avertissement

Avant d'écrire ce texte, j'avais demandé à Yves Lignon la permission de reproduire son texte en intégralité, en lui indiquant à quel support je le destinais (version papier du CZLR et "dossier" sur notre serveur).

Monsieur Lignon m'a alors interdit de reprendre sa Tribune Libre, non seulement dans son intégralité, mais aussi quelque extrait que ce soit de ce texte, et de ses textes à venir ! Si il en était ainsi, nous ne pourrions plus dénoncer aucun des charlatans, et ceux-ci pourraient impunément écrire n'importe quoi (ce qu'ils font déja :-) sans risquer de voir leurs inepties mises à jour. On imagine la joie des Teissier, Paco Rabanne, etc... Cette interdiction étant contraire au droit français, j'ai donc décidé de publier des extraits du texte originel. Chacun est libre de juger, lorsqu'il est totalement informé.


Depuis décembre 1997, sur le serveur du Groupe d'Études Expérimentales des Phénomènes Parapsychologiques (GEEPP), on trouve un curieux texte de Yves Lignon.

Celui-ci est placé sous l'intitulé Tribune Libre. Au bout d'une année de "diffusion", et alors que Henri Broch, qui est visé dans cet écrit, ne souhaite pas y répondre (il faut dire qu'une lecture attentive permet de voir les limites du texte), il me semble intéressant de s'y pencher de plus près. Cette production de monsieur Lignon me parait illustrer quelques-unes des drôles de pratiques que nous reprochons régulièrement au fondateur du GEEPP et du "Laboratoire de parapsychologie de Toulouse". Tentons de décrypter cette Tribune Libre...


Yves Lignon :

"Dans une interview publiée dans le numéro 17 du magazine FACTEUR X Henri Broch déclare :

" J'ai montré comment un objet de culte découvert en 1936 à Bagdad pouvait bien être une pile électrique vieille de 2000 ans".

S'agit-il de sa part de malhonnêteté, d'ignorance ou de plagiat ? On peut lire en effet ; dans LE MATIN DES MAGICIENS de L. Pauwels et J. Bergier (Gallimard, 1960 ) page 122 :

" C'est un ingénieur allemand chargé de construire les égouts de Bagdad qui découvrit sous la vague étiquette objets de culte des piles électriques fabriquées sous la dynastie des Sassanides".
(...) dans le QUID ( édition 1996 ) page 1204 :
" En 1936 on a découvert près de Ctésiphon (Irak) une jarre de terre (de 2500 ans avant J.C.), fermée par un disque et un cylindre en cuivre, surmontée d'une baguette et d'un câble en fer. L'américain Willard Gray a démontré qu'il s'agissait d'une pile électrique."


Il suffit de relire la phrase de H. Broch où il est dit qu'il a "montré", et la comparer aux écrits de Bergier/Pauwels et du Quid 1996 : dans ces sources, il est question de DÉCOUVERTE et de DÉMONSTRATION. Le premier Robert tombant sous votre main suffira à voir la différence entre ces termes.

MONTRER, c'est "Faire voir, mettre devant les yeux". On peut montrer ce qui est déjà connu par d'autres. Par exemple, à l'école primaire, on montre aux élèves comment vivent les animaux et mille autres sujets.

H. Broch ne s'approprie donc pas la découverte des piles, ni la première démonstration de leurs propriétés.

Dépassons la question de la formulation qui aurait dû, si Yves Lignon avait été un lecteur attentif, l'empêcher de plonger retrouver dans les ouvrages de Bergier des références qui ne contredisent pas Broch. Il y avait d'autres éléments pour montrer au lecteur que Broch ne cherchait pas à les duper.

Ainsi, juste en face de la phrase mise en cause, on trouve un encadré d'1/4 de page sur les piles de Bagdad, dans lequel Broch fait une description de l'objet et signale qu'il en a lui-même reproduit un modèle. Confirmation qu'il a montré qu'il pouvait bien s'agir d'une pile.

Encore plus drôle : Au début de l'interview, il est précisé que Broch a 47 ans. Il est donc né en 1950. Or, dans sa phrase sur la pile, il signale qu'elle a été découverte en 1936...

Regardons maintenant du coté des écrits de Broch. Quatre années avant l'interview à Facteur X, Broch parlait déjà de cette pile dans le magazine Interview (3ème trimestre 1993), dans le cadre d'un dossier consacré au surnaturel où l'on trouvait aussi A-A. Upinsky, J-J. Vélasco, le Capitaine Fabre... Et là, Broch dit :

"Je suis tombé par hasard sur l'histoire de cette "pile", découverte en 1936 lors de fouilles le long d'une voie de chemin de fer irakienne.

(...) C'est un ingénieur allemand qui, en l'observant, s'est aperçu qu'il s'agissait d'un petit engin capable de produire de l'électricité."

Et lorsqu'il aborde le dossier dans son livre "Au coeur de l'extra-ordinaire" (Horizon chimérique, 1991), en page 66, il ne s'approprie pas non plus la découverte de cet objet, ni la démonstration de sa spécificité.

Non, vraiment, il était difficile de se tromper sur les dires de Broch. Surtout pour quelqu'un qui affirme sans cesse "connaître ses dossiers".

Pas de "plagiat", donc. Et si il y a "ignorance" et/ou "malhonnêteté", on voit bien où elle se trouve. Mais, une fois lancé, Yves Lignon va jusqu'au bout... Il continue donc :

Quel que soit le qualificatif que mérite le procédé il est semble-t-il plutôt familier à Monsieur Broch qui dans son analyse du problème de suaire de Turin reprend une étude historique datant du début de notre siècle en notant que l'auteur de cette étude est d'accord avec lui, Broch, écrivant quelques 80 ans plus tard ! ! !

Être d'accord avec ce que dira quelqu'un qui n'est pas encore né voilà qui semble fichtrement paranormal cher collègue mais qu'en pense la zététique ?

Nouvelle accusation. Mais cette fois, pas de texte original de Broch, ni de source citée. Tiens, tiens... Allons donc voir dans "Le paranormal" (Ed. du Seuil, Coll. Points Sciences, 1989), où Broch aborde le dossier du "Suaire de Turin". Il y est écrit que :

"Je répondrai donc ici que si, par une attitude objective, je suis "antireligieux", alors les évêques de Troyes Henri de Poitiers et Pierre d'Arcis ainsi que le chanoine Ulysse Chevalier, pour ne citer qu'eux, l'on été bien avant moi et de manière beaucoup plus virulente."
Est donnée en annotation la référence à l'ouvrage de U. Chevalier paru en 1902.

Nulle part il n'est indiqué que U. Chevalier est "d'accord" avec Broch  ! Et le "bien avant moi" indique parfaitement dans quel ordre chronologique apparaissent les auteurs. Ce qui est encore confirmé par la date de publication de l'ouvrage de Chevalier, laquelle est, elle aussi, indiquée. Enfin, Broch ne cherche pas à crédibiliser son écrit par la position de U. Chevalier, mais à répondre aux accusations d'antireligiosité...

Au final, on peut se demander si Yves Lignon, qui se plaint sans cesse d'être victime d'attaques envers sa personne, et non ses travaux, ne se livre pas ici à une attaque contre la personne de Henri Broch, utilisant des "fautes" qui n'existent que dans le regard du statisticien toulousain... Dans cette histoire, le texte de l'interview n'est en fait qu'un prétexte.