Cercle Zetetique

Figures de devins

Quand les tables
ne tournent pas rond!

Dossier réalisé par Paul-Éric Blanrue.

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Cannes, début août 1994 - La canicule écrase la Croisette. Planté près du vieux port, le massif Palais des festivals, que les plaisantins nomment « le bunker ». Une débauche d'affiches roses et bleues annonce qu’il s’y déroule le quatrième « Festival de la voyance et des sciences parallèles ». Le programme distribué dans le hall indique qu'auront lieu « quelques démonstrations de tables tournantes », sous la houlette du « médium Didier Dorhyan ». Tania, trésorière du Cercle zététique et votre serviteur, nos babines alléchées par la perspective d'un spectacle de haut vol, décidons d'aller faire un tour à la première, nous jurant bien d'ouvrir nos yeux et nos oreilles.

Une fois réglés les « frais de participation », nous nous installons au deuxième rang, en face de la place du conférencier. Nous sommes parmi les premiers, mais la salle se remplit assez vite. Une centaine de personnes s'y sont entassées lorsque, peu après 21h, un individu étrange prend le micro. Une blonde enfant assise à mes côtés ne parvient pas à contenir son hilarité. L'orateur a une dégaine stupéfiante, mi-Elton John (pour les lunettes) mi-Coluche (pour les bretelles), qui tranche de façon saisissante sur les autres acteurs du festival, qui tirent tous des mines d'enterrement.

C'est lui le médium? Non. Il nous confie, comme pour rétablir la sérénité qui menaçait de flancher, que son petit nom à lui, c'est « Bob ». Il n'est que l'attaché de presse de l'intervenant magnifique. Son protégé va bientôt faire son entrée, il se prépare mentalement dans une salle attenante. Pendant ce temps, son rôle, à Bob, est de chauffer l'assistance, de la faire saliver en lui décrivant quelques-unes des merveilles qui vont se dérouler ce soir. Les respirations s'accélèrent.

Au bout de dix minutes, le « médium » Didier Dorhyan (nous l'appellerons désormais D. D.) fait son entrée à la manière d’un prince des mille et une nuits. Tout de noir vêtu, tenant délicatement un bâtonnet d'encens entre le pouce et l'index, il se déplace lentement, glissant, on dirait qu’il a pris place sur un tapis volant. Sa voix est douce et posée avec une légère pointe d’accent alsacien, qui prouve que le prospectus des consultations ne ment pas lorsqu'il annonce qu’il a fait le voyage depuis Strasbourg.

Nous allons commencer par quelques instants de recueillement, yeux clos et muscles détendus. De manière à être en phase, nous dit il, « de concentration maximale ». Nous sommes priés de déplacer nos chaises pour former un cercle. Symbole de paix et d'unité. D.D. parle à jet continu, olympiennement calme. Un flot verbal répétitif et sourd s'échappe de sa bouche comme un nectar crémeux projeté par une gargouille :

  Vous êtes bien, légers, aériens, vous voyez devant vous une boule blanche, lumineuse... Cette boule blanche, lumineuse, radieuse, monte à la verticale... Puis, lumineuse, elle redescend... Elle vous éclaire, sa lumière est douce et apaisante... Vous êtes de l'eau de roche, de l'eau de source, du cristal... Elle remonte...

La loghorrée dure un quart d’heure. Au terme duquel l'état de somnolence du public sera l’auxiliaire le plus précieux du médium. L'esprit critique sera considérablement affaibli, plus personne n'osera briser l’harmonie artificielle... Détail croquignolet : Bob, derrière ses énormes lunettes blanches, n'a pas fermé l'oeil une seule seconde. A part Tania et moi, le seul de l'assistance à ne pas s'être prêté au jeu!

Sur le même ton, D. D. annonce que la séance peut débuter. Attention toutefois, précise t il, aux éventuels perturbateurs : « Dans les premières minutes une seule personne, par son attitude négative, peut tout gâcher... » D.D. prend une longueur d‘avance sur les sceptiques. Laïus qui fait toujours son effet.

D.D. explique sa façon de procéder. Sa spécialité est le « contact avec guide ». La table va tourner pendant qu’il nous révèlera ce que « les esprits » censés la faire mouvoir vont lui communiquer.

Jean François Terpeau, « exotériste » et organisateur du festival, apporte la table avec deux acolytes. La place au centre du cercle formé par l'auditoire. A la vue du meuble, le médium a un léger mouvement de recul. Ils viennent en effet de lui fournir une table à quatre pieds, qui ressemble davantage à un pupitre école qu'à un guéridon sauteur! (Une séance de spiritisme traditionnelle se fait avec un trépied.)

  On va essayer quand même, geint il, en essuyant ses premières perles de sueur.

Personne n'a l'air de s’étonner que les esprits craignent la stabilité des meubles qu’ils sont censés bousculer.

D. D. commence son numéro. Fait venir cinq médiums autour de lui afin que la « connexion s'établisse ». Ils posent leurs mains aux quatre coins de la table et miment l'effort qui leur est demandé par le maître de cérémonie. Les minutes passent. Concentration, atmosphère tendue. On souffle beaucoup, mais la table ne bouge pas. Son immobilité ne semble pas amoindrir les facultés de D. D. qui vient « d’entrer en communication ». Il appelle les spectateurs par l’initiale du prénom d’un proche défunt.

- J’ai avec moi un F. François? Francis?

Personne ne bronche.

- Fredéric? Un mort de maladie foudroyante!

- Franck!, hurle une jeune femme. Mon grand-père!

- C’est cela, Franck. Venez vous joindre a nous, mademoiselle. Votre grand-père se porte bien - là où il est. Soyez rassurée.

Faramineux début...

D’autres personnes s’extraient de l’assistance et prennent place autour de la table. Parfois le prénom vient en entier, parfois non. La méthode a fait ses preuves : elle est fondée sur le principe, mis en lumière par Voltaire, que personne, fût-ce un médium, ne peut se tromper toujours et tout le temps. Ajoutez à cela que sur deux cents personnes assemblées, ce serait bien le diable si aucun spectateur n’avait connaissance d’un défunt dont le nom est parmi les plus répandus...

D. D. prend de l’assurance. Il donne quelques renseignements sur la cause ou les circonstances de la mort de l’être cher. En se rattrapant comme il peut.

- C’est un suicide! Je vois la gorge!

- Pas vraiment. Il buvait, il est mort d’une cirrhose du foie.

- C’est exactement ça! Il buvait volontairement pour se suicider à petite dose. Comme Serge Gainsbourg!

Le spectateur entre dans le jeu :

- Le vin passe par la gorge!

D.D. n’y avait pas pensé : merci! Personne ne réagit à l’entourloupe. Les spectateurs semblent hypnotisés par ce qu’ils croient qu’il est en train de se passer. Ne voient ils pas qu’il ne se passe rigoureusement rien? Pendant ce temps, les comparses en rajoutent :

- Je frémis, murmure Bob, qui n’a qu’une main sur la table - l’autre porte l’encens destiné à purifier l’atmosphère des « ondes négatives ».

- Incroyable, fabuleux! clame l’exotériste à l’intention de ceux qui douteraient qu’ils vivent une soirée mirobolante.

De plus en plus de monde autour de la table. Sous les néons, ça transpire à grosses gouttes. La table ne semble toujours pas décidée à bouger. Malgré les secousses que de ma place je devine, elle reste obstinément immobile. Quatre pieds, ça ne se déplace pas si facilement - surtout sur un parterre recouvert de moquette.

D. D., inlassablement, poursuit la description de ses « visions » : des cancers à ma droite - des pendus à ma gauche - des morts brutales un peu partout. Bob et Terpeau, le micro à la main, font la navette entre les anonymes du public et le coeur du cercle, les initiés des hautes sphères. Ce qui donne à peu près :

- La fille de Madame est gravement malade? Comment? Parlez plus fort Madame! Et vous dites que notre médium l’a vue? Alors il faut le dire, Madame... Le public! Que dites-vous? Une leucémie? Rendez-vous compte : une leucémie!

Une demi heure se passe. Désolant spectacle. Les réponses des « guides » sont de plus en plus intimes, sordides. A un moment, comme la table continue de faire sa forte tête, Bob est invité par D.D. à s’enquérir d’un meuble moins réticent.

Problème vite réglé : un bistrot voisin prête de bonne grâce un trépied à moitié branlant qui donne l’impression de trembler à la moindre brise.

- Cette fois, c’est vraiment parti !, proclame D. D. avec un sourire de publicité pour pâte dentifrice.

Pour s’assurer que tout se passe « comme sur des roulettes », l’attaché de presse dispose une affiche glacée sur la moquette au-dessous de la nouvelle table. Bien vu : maintenant ça tourne, bouge, tremble, gigote dans tous les sens, s’agite, vibre, se penche de tous côtés comme une danseuse techno en transe!

Le public, ravi du spectacle, défile à la table. Tout le monde se reconnaît dans les « messages » de D. D. Pèlerinage de crédulité extrême. Le médium est aux anges, plus rien ne le retient, il va de plus en plus loin dans la vie privée des spectateurs, aucune pudeur ne le freine.

Une femme, au comble de l’émotion lorsque D.D. lui dit que sa fille, décédée, l’invite à davantage de prière, quitte la salle en larmes. Elle n’en peut plus, c’est trop pour elle...

Là, ça commencer à déborder. Tout le monde a le droit de s’amuser à se faire peur (et c’est heureux!), mais maintenant, le médium abuse, joue avec les sentiments de façon odieuse. Son business pue. Pour certaines personnes, venues pour les frissons, le choc peut être brutal, les conséquences psychologiques peuvent s’avérer désastreuses. Un cinquième au moins de l’assistance est constitué d’enfants et d’adolescents.

Lorsque D.D. jette à la figure d'un spectateur que le suicide de son frère n’est qu’un meurtre déguisé, je décide d’intervenir. Le brave homme a l’air d’y croire, il est visiblement déstabilisé. Sa torture intérieure est palpable. Et la table qui swingue, semblant confirmer les affirmations sidérantes de D.D.! Je sors de ma réserve.

  Peut-être serait il intéressant que les médiums présents à cette table depuis une heure et demie laissent leur place au public. Au moins, serions-nous sûrs qu’elle tourne par elle-même et n’est pas actionnée par des mains expertes!

Stupéfaction. Silence. On me dévisage méchamment de tous côtés. Qu'est ce qu'il veut ce trublion? Aurait il l'impudence de ne pas croire aux messages d’outre-tombe?

Terpeau me prend aux mots :

  Eh bien venez, monsieur le sceptique! Approchez-vous de la table et jugez sur pièces!

Erreur de tactique! Je m'élance aussitôt sur la scène et me fraye une petite place entre deux voyants. Le cirque continue quelques secondes. Une courte observation du placement des mains de mes vis-à-vis suffit à me renseigner sur le « truc » utilisé. Le plus classique. Certains, comme le voyant situé à ma droite, ont un pouce sous la table qui leur permet d'agir sur elle avec une déconcertante facilité - d'autres, sur ma gauche, profitent de la transpiration qui inonde leurs mains pour faire adhérer celles-ci à la table en plastique. De fait, la table réagit à la moindre de leur sollicitations. Les intervenants extérieurs ne font que suivre inconsciemment le mouvement dominé par le collectif des médiums. Le tout dans la plus grande discrétion et avec le moins de moyens possibles (l’improvisation paraît en effet totale).

Sans entraînement n’importe qui peut arriver au même résultat. Le plus incroyable serait que la table (la table à trois pieds, c’est-à-dire facilement déséquilibrée) ne soit pas agitée de tremblements. Histoire de semer un peu la pagaille, je m’appuie sur la table à la façon de D.D., qui, à ce que j’en ai vu, paraît donner le rythme. J’y mets tout le poids de mon corps et en profite pour pousser dans le sens contraire à ces messieurs-dames. Résultat prévisible : la table redevient immobile!

Misère! D.D., qui ne m’adressera plus, en face, un traître mot de la soirée, grommelle :

  Je n'aime pas qu’on m’attaque!

A quoi je réponds que je ne l’attaque pas, que j’estime seulement qu’il y a beaucoup trop de médiums autour d’une table censée tourner par la seule force des esprits...

Une voyante tente de m’apprivoiser :

  A la rentrée votre vie va changer!

Sans effet. Ma vie est très bien comme ça. Elle tente une communication, bien que je ne lui aie rien demandé :

- On me parle pour vous. Une femme étrangere, âgée...

  Ou de Corse! s’empresse d’ajouter D.D., croyant bon d’ajouter : la Corse, pour nous, c'est un peu l’étranger!

Vaine tentative. J'aurais au moins appris que mon physique ne correspond pas aux normes françaises en usage au Festival de la voyanœ!

La table est comme enracinée. Plus le moindre mouvement.

  C'est de sa faute! marmonne D.D.

 Tous contre lui! poursuit le charitable Terpeau.

Tout à coup, estimant que le jeu a assez duré, D.D. braille vers le public que la table se balance à nouveau, malgré ma nuisible présence. Tout à fait inexact. Je me tourne vers l'assistance, lui devoilant la supercherie. Je réclame dix nouvelles personnes et le départ des médiums complices. D.D. se défile. Bob : d’un blanc sépulcral. Terpeau s'interpose, le micro collé à la bouche. On sent le pro. La table est libérée, le spectacle s’arrête. Un débat s'engage. Une demi-heure, durant laquelle je n'aurai pas droit à la sono. Je me déclare scandalisé par ce que j'ai vu : un trucage grossier au service de révélations à deux sous dont D.D. ne maîtrise pas les conséquences.

Quelques personnes se lèvent et applaudissent.

Pour prouver mes dires, je pose mes mains sur la table et, à l'imitation de D. D, la fais basculer tant et si bien qu’elle décolle et évite de peu de se fracasser contre le médium déconfit!

  On ne les retient plus, les tables, dans ces cas-là...

Un brouhaha parcourt l'assistance. Des gens se lèvent et s’approchent pour voir le « truc » . Je le leur explique de long en large, malgré Terpeau qui tente de couvrir ma voix. C’est l’anarchie. Certains m’encouragent vivement. D’autres, comme ce petit bout de femme d’une soixantaine d‘années, me hurlent de sortir prestement sous peine de sinistres représailles. L’art du doute attise les passions!

Je rappelle à l’assistance, si elle n’est pas satisfaite de la prestation de D.D. ou si elle craint une supercherie, son droit de se faire rembourser. Le remboursement peut paraître mesquin, mais m’a toujours semblé la meilleure des ripostes. Un organisateur de festival craint davantage le manque à gagner que les perturbateurs, qui, d’une manière ou d’une autre, lui font sa publicité. Terpeau, d’ailleurs, commence à s’énerver. Il me qualifie d’« imbécile » et d’autres sympathiques noms d’oiseaux. Le nerf sensible est touché.

Alors que je réclame pour la dixième fois le départ des comparses, je vois pénétrer dans la salle deux hommes en blanc, un badge épinglé à la chemise. Mines patibulaires, mâchoires serrées, têtes de seconds couteaux de série B. Service interne de sécurité. Convoqué pour m’impressionner ou pour m'éjecter? Je n'ai plus aucun doute lorsque les molosses m'empoignent méchamment et me dirigent vers la sortie - non sans oublier de me tutoyer sur un ton peu amène.

Tania me suit, accompagnée de plusieurs personnes outrées de ce qui vient de m'arriver. J’y remarque ma petite rieuse et sa maman. On se fait un signe. Elles me soutiennent. Ravissement éclair. Un homme que je n'avais pas remarqué jusque là, qui se dit « croyant au phénomène général des tables tournantes », me propose de me rembourser mes billets sur ses propres fonds. Hors de question. Le charlatan, pour l’instant, ce n’est pas lui.

M’ayant fait expulser du Palais, les organisateurs croyaient peut-être que j'allais me taire une fois pour toutes. Il n'en a rien été. Prenant ma plus belle voix, je me mets à exposer, juste à côté du grand escalier, les magouilles auxquelles on se livre sans retenue à l'intérieur. Deux voyants sortent pour me porter la contradiction. Devant l'hilarité du public qui s'amasse prés de l'entrée, ils rebroussent vite chemin. Après un quart d'heure de discussions à bâtons rompus avec des badauds souriants, je décide avec Tania, de remettre pied dans la fournaise, pour réclamer la monnaie qui m’est due.

Ejecté peut être, mais pas à mes frais! Les gorilles font une drôle de tête en me revoyant. Ils m'accompagnent malgré tout jusqu'à Terpeau, qui m'apprend que d'autres personnes ont suivi ma recommandation et qu'il n'appprécie pas d'en être de sa poche. Il me tend la monnaie à regret.

Nous quittons enfin le « bunker », notre devoir rempli. Une demi-heure plus tard, nous tombons sur deux jeunes gens, qui nous apprennent que la soirée n'a pas survécu à notre intervention. La démonstration s'est terminée en eau de boudin, sous les lazzis d’un public en colère contre D. D. et sa troupe de coquins. Tout médium qu’il est, D.D. n’avait pas vu venir le coup!

Le lendemain, Nice-Matin relate la mini-tempête qui s’est abattue sur le Palais. Terpeau répond aux questions du journaliste : « Ce soir-là, dit-il, il faut bien le reconnaître, la table n’a pas tourné... » Petit truandeur! La veille, ça ne le dérangeait pas de me jeter à la porte parce que j’avais osé dire ce qu’il avoue aujourd’hui!

Mais l’histoire ne s’arrête pas là. Elle va connaître une suite inespérée, quelques mois plus tard...

Metz, 6 janvier 1995. Avec Tania, Damien, je me rends à une conférence-débat organisée par le « médium strasbourgeois Didier Dorhyan », en présence de ses compères. D.D. est passé à la vitesse supérieure, il est maintenant l’organisateur du premier Festival de la voyance de Metz, au Grand Hôtel de la rue des Clercs. Il se déplace dans toute la France, avec sa compagnie itinérante. Ne manquent que les singes savants.

Une centaine de personnes présentes. Tous âges, toutes conditions. Thème de la soirée : voyance directe avec démonstration en public. La recette du succès. D.D. entame son exposé par la traditionnelle séance de méditation soporifique. La vigilance des spectateurs s’endort peu à peu. Comme à l’accoutumée, les collègues de D.D. ne ferment pas les yeux.

Puis les orateurs se présentent, chacun selon sa spécialité. Il y en a pour tous les goûts. Christophe Deschamp est « médium spécialisé en écriture automatique », Diane de Nadine, « médium spirituelle » (!), Prescillia, « médium-tarologue-numérologue ». Le public est invité à poser des questions aux quatre « voyants », qui répondent grâce au concours de leur « guide ». Beaucoup d’interrogations sans originalité : l’avenir d’une relation sentimentale en perdition, la situation professionnelle future, les maladies qui frappent des proches.... Les flashes des oracles sont aussi pauvres que les questions de l’assistance : de la psychologie de camping-gaz, saupoudré d’un zeste d’humour carambar pour tenir éveillé un public qui baille à s’en décrocher la mâchoire. Pendant une bonne heure, nous assistons à un match de ping-pong entre du vide et du vent. Tout est si lisse, impersonnel, bêtement plat, que chacun peut se retrouver dans les descriptions attribuées à son voisin. Les gens engloutissent sans broncher la rhétorique creuse des pros de la phrase enveloppante. Aucune réaction de rejet, ni même de méfiance.

Surviennent les cinq dernières minutes, le temps des ultimes examens. Au troisième rang se lève, appuyé sur canne blanche, un jeune homme arborant un bandeau sur l’oeil gauche et portant une paire de lunettes noires. Il aimerait connaître l’avis de Didier Dorhyan sur ses problèmes oculaires. Gêne feinte du voyant. Il n’aime pas s’appesantir en public sur la santé des gens. Nous savons ce qu’il en est. Il se laisse convaincre, le spectateur a vraiment l’air mal en point. Douce violence. D.D « voit » une amélioration prochaine de son état, surtout du côté de l’oeil droit. Futé!

L’aveugle se dit rassuré. Il sort de son blouson un steak desséché emballé maladroitement dans du papier cellophane. Le tend au collectif des devins en expliquant que depuis son accident d’auto, des dons de magnétiseur lui sont apparus - sorte de « miracle routier ». D.D. saisit prudemment le morceau de viande momifiée par les passes du spectateur, le montre à ses collègues, très intéressés.

- Vous avez des dons de magnétiseurs, Monsieur!, s’exclament-ils tous en choeur, émerveillés par les nouvelles capacités de l’aveugle. Diane de Nadine ne cache pas son admiration et le félicite chaudement. Le jeune homme paraît peu sûr de lui :

- Vous êtes bien sûrs que je possède de tels pouvoirs?

- Puisqu’on vous le dit!

A ce moment-là, l’infirme ôte ses lunettes et d’un geste brusque arrache le bandeau qui lui barre l’oeil gauche. Surprise : c’est moi! Panique à bord! D.D. reconnaît l’oeuvre du Cercle zététique, qu’il dénonce comme une « secte d’antivoyants ». La misère de l’argument dévoile le désarroi qui s’est emparé de lui.

Dans le tohu-bohu créé par l’événement, le ci-devant aveugle explique qu’il voit sans trop de problème et que le steak ne doit son état qu’au dessèchement qu’il a subi pendant trois jours au dessus d’une armoire de cuisine. Fous-rires et grincements de dents. Une demoiselle a l’air particulièrement excédée. Au bord de l’hystérie, elle s’époumone, vocifère, tonne, vagit : « Rien ni personne ne peut m’empêcher de verser 1 000 FF à Didier si j’en décide ainsi! ».

Damien Triboulot intervient à l’intention du cartel des médiums :

- Vous n’êtes pas voyants, puisque pendant plus d’une heure alors que cette personne était juste en face de vous, vous n’avez pas décelé la supercherie! Vous n’avez même pas été capables de reconnaître celui qui vous a ridiculisé il y a six mois!

Brouhaha continuel. Les interpellés font corps. Ambiance mitigée : des dévots en veulent aux perturbateurs d’avoir gâché la fête, ceux qui étaient venus par curiosité sont satisfaits. Je lance, en désignant la brochette des furieux médiums :

- Les véritables non-voyants, ici - c’est vous!

Le tumulte reprend. Isabelle, la manager du groupe, tente de détendre l’atmosphère en adressant ses « sincères félicitations » au perturbateur pour ses « dons de comédien ». Ceux-ci sont pourtant à nuancer sévèrement puisque l’accent que j’ai pris comme camouflage a changé d’hémisphère en quelques secondes!

La conférence suffisamment ébréchée, nous quittons la salle sous les applaudissements d’une partie du public - et de D.D., beau joueur, qui doit être soulagé de ne pas s’être fait lyncher par les spectateurs...

Moralité de la soirée : au royaume des voyants, les aveugles sont rois!



L’hypnotiseur de combat

et la désenvoûteuse parafiscale


« Voyance : don ou bidon? » : prenons-en le pari, l’émission « Comme un lundi » du 9 octobre 1995 est restée agrafée dans la mémoire de son bouillonnant animateur, Christophe Dechavanne.

Le débat à peine entamé, peu à après l’intervention amusante d’Alain Gillot-Pétré, le défunt « Monsieur Météo » rationaliste de TF1, auteur des Charlatans du Ciel, Dechavanne présente un dénommé Denis Derouvre, hypnotiseur non-professionnel, qui se propose de démontrer les possibles dangers de la technique qu’il emploie pour ses amis. Sous-entendu : lui est un « bon hypnotiseur », qui n’expérimente pas ses fulgurantes connaissances sur de pauvres esprits sans défense, mais il y en a de méchants, des sans-loi, vilains comme tout, qui n’ont aucun scrupule à soumettre les sujets à leurs plus infâmes et pervers caprices... Derouvre, qui devait faire partie de l’équipe des tenants de la voyance, a demandé à la dernière minute à être placé dans le camp des sceptiques, c’est-à-dire celui dans lequel je me trouve en compagnie de quelques amis dont l’illusionniste Gérard Majax. Il a choisi de faire son expérience sur une demoiselle Astrid Bernard, collaboratrice de Dechavanne, que celui-ci s’empresse de déclarer « au-dessus de tout soupçon ».

Pour endormir la belle, Derouvre choisit d’employer une méthode originale et spectaculaire - qu’il nomme « hypnose de combat ». Après quelques minutes de mise en condition, le cri violent qu’il pousse est censé faire culbuter le sujet en catalepsie. Apparemment, ça marche! Le cri lancé a visiblement atteint son but. Astrid, comme hébétée, semble soumise aux volontés de son hypnotiseur. Elle est tout à lui et à sa fantaisie. Derouvre lui demande de chercher auprès de son patron de quoi établir, pour lui-même, un contrat d’engagement qui lui accorde un salaire de cinquante mille francs sans qu’il ait besoin de travailler! En temps normal, la fille l’aurait éconduit, mais en la circonstance elle paraît agir selon les ordres incroyables de son maître spirituel. Dechavanne paraît étonné du soudain aplomb qui s’est emparé de son employée - mais il n’exprime aucun doute sur la réalité du phénomène qui se déroule sous ses yeux.

De mon côté j’ai patiemment observé la scène. Au bout de quelques minutes, je conclus que la prétendue expérience n’est qu’un simulacre.

J’en ai eu la puce à l’oreille dès l’après-midi. J’ai d’abord appris que Mlle Renard et Derouvre s’étaient rencontré avant l’émission et qu’ils avaient répété ensemble. Étrange et anormal. L’animateur ayant habilement passé ces rencontres sous silence, il y a peut-être de sa part couverture d’une tricherie. J’ai ensuite pris mes renseignements auprès de professionnels sur la technique d’hypnose qui casse la baraque. On m’a répondu que comme numéro de cabaret, la technique est excellente, mais comme démonstration scientifique, elle équivaut au zéro absolu. Si des sectes d’arts martiaux japonaises prétendent l’utiliser dans le combat, les médecins la considèrent comme une illusion, un grand bluff partagé entre l’hypnotiseur et l’hypnotisé. Il s’agit d’un « jeu de rôle » entre maître et disciple : celui-ci réalise consciemment les desiderata de celui-là, en signe de respect et d’humilité.

Sur le plateau, plusieurs choses m’ont également troublé. Par exemple, avant qu’Astrid lui ait demandé un papier pour établir le fabuleux contrat, Dechavanne est venu prendre chez son collaborateur placé à ma gauche, deux fiches cartonnées vierges : de quoi écrire. Deux minutes plus tard, il tendait les feuilles à « l’hypnotisée » en guise de contrat! Il savait pertinemment ce qui serait exigé de lui. Pourquoi faisait-il semblant de ne pas être au courant?

Plus significatif encore : dans le feu de l’action, l’animateur a dit à Mlle Renard de prendre garde aux fils des micros qui s’enchevêtraient dans ses jambes. Elle risquait de tomber. Elle avait levé le pied... Derouvre ne lui avait-il pas dit, en la préparant, d’être d’être sous son « contrôle absolu »?

De qui se moque-t-on, sous les sunlight de la Maison de la radio?

Le ton de la voix de la jeune fille (surjoué), la rapidité de ses déplacements, ses yeux qui miment l’étonnement perpétuel, tout prouve qu’elle joue la comédie - et elle la joue mal. En conséquence, je juge bon de ne pas me prêter au jeu et de dénoncer l’imposture qui s’étale sous mes yeux. Le conformisme de pensée et les salamalecs télévisuels n’entrent pas dans mes statuts... Contre toute attente, me voilà donc, dénonçant le changement de camp inopiné de Derouvre, chargeant les « exercices » de l’après-midi, le mauvais théâtre qui se déroule devant des millions de téléspectateurs! Toute l’équipe sceptique, Gérard Majax en tête, rejoint mon indignation, pulvérise les prétentions de Derouvre, qui espérait sans doute que son nouveau camp le soutienne sans réserve, et anéantit la « bonne foi » de sa complice. Le plus incroyable demeure l’obstination de l’animateur à répéter sur tous les tons et contre l’évidence qu’il ne peut y avoir aucun trucage!

Ma réaction n’a pas eu l’heur de lui plaire. Il le prend même très, très mal. Je mets en cause l’intégrité de son équipe, l’honnêteté de son émission, je lui sabre sa notoriété... Je deviens sa cible. Pendant l’interruption publicitaire qui vient juste après l’altercation, il me montre du doigt en gigotant sur son siège, me qualifie de « sale c.. », me somme de poser mon micro et de me « tirer illico »! Gentillet! Une partie de son staff monte sur la scène pour me faire comprendre que je ne peux plus continuer à douter, que je nuis à l’unité de l’équipe, sale fauteur de troubles. Les mêmes cerbères qu’à Cannes, badges et série B. Patrice Carmouze, courtois, tente de calmer la meute qui s’apprête à bondir.

Un peu don Quichotte, un peu kamikaze, je reste cramponné à mon siège et au retour d’antenne, redémarre au quart de tour, en dévoilant les agissements qui se trament!

« Mais faites-le taire! »

Pendant ce temps-là, derrière les caméras, s’élève une pancarte sur laquelle est inscrit, à l’intention de l’animateur : « Les gens ne croient pas à l’expérience d’Astrid - refaire une expérience ».

Gagné!

Fin de la première partie de l’émission. Gérard Majax accomplit des tours époustouflants, que la voyante-sorcière Sterna Weltz croit réalisés « sans trucage »... On passe ensuite à de nouvelles réjouissances. Une autre invitée va se mettre à plastronner, une dénommée Marie Deb, « voyante spirituelle » originaire de Metz. Je la connais bien : je me suis rendu à plusieurs de ses conférences, lui ai proposé le Prix Défi (qu’elle a refusé), ai rencontré d’anciens clients qu’elle a tondus sans scrupule. Elle se targue avec son concubin, le sieur Bastien, qui se prétend magnétiseur, de détenir des pouvoirs supranormaux. Elle dispose d’une vaste clientèle aussi assidue que crédule.

Une collaboratrice de Dechavanne, Sophie Gazio, m’avait demandé d’entrer un relation avec Angélique, un jeune femme qui désirait témoigner des méfaits de la voyante. Elle refusait malheureusement d’apparaître à l’antenne, tant par honte que par peur des représailles (elle avait trois enfants en bas âge). Deb lui avait fait croire qu’elle était possédée par des démons. Elle lui avait « conseillé » de se prêter à un exorcisme sur mesure, qui lui aurait coûté la bagatelle de quinze mille francs français, plus cinq mille francs de « protection » et l’achat de milliers de bougies nécessaires à la cérémonie. Angélique, pas sotte, s’était renseignée auprès d’un jeune garçon qui avait assisté à ces pratiques. Elle avait appris qu’il lui fallait rester attachée sur un lit pendant quinze jours sans interruption, le temps que les petits diables soient dispersés au quatre vents. Pratique commune des escrocs de la surnature. Se rendant compte que le cabinet Deb était l’antichambre d’opérations troubles, elle avait décidé assez vite d’arrêter les frais. De mon côté, j’avais récolté des informations auprès d’un journaliste qui suivait l’affaire, Marcel Gué, de L’Est Républicain. Confirmation des accusations de la victime. Il m’avait appris que Deb et son compagnon étaient inconnus aux impôts - et ne se faisaient payer qu’un numéraire.

Angélique et moi étions venus ensemble, par avion.

Le moment venu, Angélique témoigne en ombres chinoises. Mais, d’après les détails qu’elle donne, Deb la reconnaît immédiatement. Deb, qui dispose d’une frimousse « au-dessus de tout soupçon », comme dirait Dechavanne, passe bien la rampe. Elle a l’habitude de parler en public, Angélique s’exprime avec peine. La voyante décide d’attaquer de front. Accuse Angélique d’être une collègue jalouse, qui veut lui causer du tort et voler sa clientèle! Culot sidéral. Angélique, qui n’est pas sur le plateau, n’a pas l’occasion de se défendre. Son micro porte mal. Pour ma part, impossible de remettre les pendules à l’heure, je suis tombé dans la disgrâce dechavannienne. L’animateur entre dans le jeu de Deb et laisse planer le doute sur l’honnêteté d’Angélique, pourtant venue témoigner à la demande de la production! On lui avait fait croire qu’elle serait protégée, qu’elle pourrait s’exprimer en toute tranquillité : on lui a menti effrontément! La situation est inversée : l’accusée se fait accusatrice et la courageuse victime est présentée comme un faux témoin!

Durant le générique de fin, les micros sont encore ouverts. Je bondis sur l’occasion. Prenant Deb à partie, je lui propose ma voyance personnelle. Prédiction gratuite : dans peu de temps, elle et son complice auront « des problèmes avec le fisc »!

Elle rit de tout son saoul. Dans les coulisses, elle se moque méchamment d’Angélique. J’apprends que la production les a fait descendre dans le même hôtel. Quelle délicatesse...

Elle riait, Deb, mais n’aurait pas dû. On ne devrait jamais rire quand on est escroc. Après l’émission, le Cercle zététique, travaillant avec les « autorités compétentes », a réussi à faire ouvrir une enquête fiscale sur le couple de charlatans. Deux ans plus tard, ceux-ci s’étaient mystérieusement volatilisés.

Angélique et toutes les victimes des deux fripons messins sont définitivement débarrassées de la légion des démons imaginaires et des exorcismes inhumains.

Le maître du monde


Le maître du monde? Je le connais. Il s’appelle Frédéric Pau.

Enfin, j’anticipe : le futur maître du monde - « futur », en effet, car Frédéric, frictionné corps et âme au tonic surnaturaliste, « se voit » prochain secrétaire général de l’ONU. Ce n’est qu’une question de temps. Il l’a rappelé officiellement, le 29 août 1999, sur France Inter, dans l’émission « Le monde d’Anne Riou »:

- Vous êtes en disponibilité de la République? (lui demande la journaliste ingénue, un rien moqueuse)

- Non madame! Du monde et peut-être du cosmos! (lui répond l’invité Pau. Sans rire.)

L’extralucide attend que la Providence le convoque, et que les ondes, hertziennes d’abord, cosmiques ensuite, le propulsent vers son héroïque destin. Il est sûr de son fait : les prophètes annoncent son règne, les Parques et les Moires filent la trame de son ascension.

Prédestination : il a été élevé dans le XVIe arrondissement de Paris, près de l’escalier Beethoven, le compositeur qui deviendra son maître en musique, et non loin du domicile de Mme Fraya, la chiromancienne qui (d’après ses dires) avait attiré à elle Jean Jaurès et Aristide Briand. Pour lui, c’est un signe tangible. Question commandement et stratégie, Frédéric a de qui tenir puisqu’il est l’arrière-petit-fils du général Pau, commandant de l’armée d’Alsace en 14, libérateur de Mulhouse, ancien président de la Croix-Rouge - le héros familial qu’il a pris pour modèle.

J’ai connu Frédéric Pau au milieu des années quatre-vingt. Il était pianiste d’ambiance dans un luxueux restaurant de Cannes. Agité, frénétique, fantasque, spectaculaire, intarissable fleuve de paroles, il n’hésitait pas à tourner en ridicule les clients trop bruyants, à revêtir une culotte d’aristocrate le 14 juillet, à se lancer dans un récital Wagner, en forçant sur les graves, lorsque de sots notables lui réclamaient un tube de Claude François. Une flamme de bonne humeur qui mettait le feu au faste plat des richesses douteuses de la Riviera. Ayant moi-même, en des temps estudiantins, égrainé mes chapelets de notes dans ces espaces insolites où Round Midnight s’efface derrière les côtes de porc, je m’étais attaché à ce personnage burlesque, provocateur, définitivement hors norme, catégoriquement hors catégorie.

Pendant mes vacances, je passais avec lui des nuits entières à redécouvrir l’esprit de Ludwig Van, à comparer les phrasés d’Horowitz, de Cziffra et d’Art Tatum, à prendre en stop les grandes ombres de l’histoire, à refaire la bataille d’Austerlitz avec des canettes vides en guise de corps d’armée. Nous roulions volontiers notre bosse dans les endroits le plus louches de la Côte, histoire de les rendre plus louches encore... Dès que j’arrivais dans le restaurant retentissait le Te Deum de Charpentier! Nous avions vite sympathisé.

Ce n’est qu’au bout de trois ans, qu’un soir, face à la mer, il m’a déclaré qu’il s’intéressait au paranormal, qu’il faisait parfois tourner les tables. Le soir suivant j’apprenais avec stupéfaction qu’il était voyant. Une semaine après, que Nostradamus l’annonçait dans ses quatrains! Une année plus tard, je retrouvais Frédéric sur le podium du Palais de Festivals, à donner des conférences sur le mage de Salon, en développant publiquement le fruit de ses cogitations mystiques. Il s’était lancé dans une carrière parallèle. Comme au restaurant, il ne se retenait pas d’expulser les spectateurs récalcitrants!

Nous sommes restés en relation, malgré des divergences de vue allant croîssant. Frédéric est toujours pianiste et chanteur. Il a monté un « show Charles Aznavour », qu’il imite à la perfection, même si son physique tient davantage de l’humoriste Daniel Prévost que du crooner franco-arménien. Mais aujourd’hui Frédéric se lance un défi autrement plus extraordinaire. Le défi de sa vie. Supporté par l’astral, il a décidé de réactiver son ancienne association : Arlequin. Lancement sur orbite : le 9 septembre 1999. A l’envers 6.6.6661. La Bête est-elle parmi nous?

Je lui laisse la parole. Il parle parle parle parle parle parle...

- Mon cheval de bataille, c’est qu’on doit avoir une lecture double de la vie, comme un mots croisés : lecture horizontale cartésienne (cogito ergo sum ) - et je connais bien Descartes parce que j’ai passé quatre ans au Prytanée de La Flèche, qui a été successivement royal, impérial et national. Donc je crois au cartésianisme, à l’étude logique des choses (thèse-antithèse-synthèse), mais également à une lecture verticale, c’est-à-dire mystique et transcendante. C’est vrai que j’ai travaillé sur les prophéties de Nostradamus de Malachie1, je me suis intéressé à l’ésotérisme, j’ai travaillé avec des druides dans les alignements de Carnac, les nuits de pleine Lune, où on voit les grands mégalithes flotter sur la brume de vingt centimètres, j’ai travaillé avec des sorciers dans le Berry, des guérisseurs en Martinique. Mais je veux également avoir une lecture rationnelle. Sans avoir poussé les études très loin j’ai quand même été V major à Saint-Cyr (ce qu’on n’a pas dans un paquet de Bonux), j’ai eu un DEUG d’histoire et j’essaye d’avoir une vision claire sans être un scientifique puisque j’ai fait Cyr Lettres. Je suis en train de lire en ce moment un livre qui s’appelle Une sacré particule d’un prix Nobel de physique, je viens de terminer la semaine dernière un livre de six cents pages sur la vie d’Einstein. Je pense que celui qui est complètement dans le rationalisme et le cartésianisme sans en sortir, il lui manque une patte et que celui qui est uniquement parti dans les boules de cristal et les tarots de Nostradamus est complètement à côté de ses pompes. Je crois que le monde se lit généralement en deux dimensions - y compris, par exemple, l’atome, puisqu’on sait que l’électricité a une réalité à la fois ondulatoire et corpusculaire (je te renvoie à Langevin ou à Louis de Broglie)...

- C’est quoi « être en disponibilité du cosmos », pour toi?

- La devise de Jules César était : « Ou l’empereur ou rien ». Je suis pas grand chose dans la société actuelle : je suis un pianiste de bar qui n’a rien d’exceptionnel - mais la seule place que j’accepterais dans cette société ce sera d’être secrétaire général de l’ONU, c’est-à-dire de commander à un moment d’avoir ce que les Romains appelaient l’imperium , le commandement! Je pense que ce n’est pas à l’OTAN de s’occuper de régir la planète et d’être le gendarme du monde - c’est à l’ONU! Alors, si les instances actuelles de l’ONU sont inefficaces, puisqu’il y a le droit de veto qui empêche toute action, eh bien! qu’on change la constitution de l’ONU! Mais encore une fois j’aurais été secrétaire général de l’ONU j’aurais atterri par tous les moyens, y compris en parachute, à Belgrade et j’aurais dit « les tirs cessent c’est moi qui commande! »

- Mais comment vas-tu t’y prendre? Parce qu’il y a tout de même un petit détail : beaucoup de personnes veulent y arriver avant toi!

- Alors comment je vais faire? De toutes façons, « qui veut la fin veut les moyens ». Tout en restant dans une certaine éthique, puisque je reste quand même fidèle à mon éducation de gentleman. Mais d’abord... je répondrai que - je ne sais pas!... et que si je savais je serais sûr ne pas réussir, puisque si tu sais par où tu passes d’autres peuvent le deviner. En contre-espionnage à partir du moment où un homme a inventé un système de décryptage un autre peut le décrypter. Je m’inscris dans un logique à la fois horizontale et verticale, je me suis préparé en étant physiquement apte à faire un match de boxe en compétition à 46 ans. Moralement, j’essaye d’être intègre, de pas voler, de ne pas reculer et intellectuellement de me tenir à peu près au goût du jour. Ceci dit, c’est aux forces du Bien de faire le travail. Pourquoi j’interviens le 9 septembre? Parce que je suis né le 9 septembre 1953 : en numérologie, ça donne le chiffre 999 et tu sais comme moi que dans l’Apocalypse le chiffre de la Bête est 666

- le signe contradictoire et complémentaire est le 999 : je m’apprête à affronter les forces du Mal. Voilà l’histoire, c’est pas plus compliqué que ça. Mais je ne suis pas sûr de ce que je vais réaliser. Nietzsche disait : « Seule la certitude rend fou  ». Donc, tous les matins je me réveille en me disant : « de quoi s’agit-il? » et je me remets en question. Celui qui est sûr de lui est un cinglé. Je doute de moi.

- Est-ce que tu te donnes une date limite?

- Je suis ma pente, je suis ma route. Talleyrand disait : « Il faut suivre sa pente à condition qu’elle monte ». C’est vrai que j’ai un côté aristocrate décadent, j’ai deux quartiers de noblesse, je suis un peu comme le Vendéen La Rochejacquelin que les paysans sont allés chercher sous son lit en disant : « Ou bien vous devenez notre général ou on vous tue! » - « Eh bien si vous le prenez sur ce ton je prendrai votre commandement! »... L’aventure humaine est ce qu’elle est, mais enfin, face à l’éternité aux milliards de galaxies, aux milliards d’années-lumière, ce que peut faire l’humanité ou Frédéric Pau n’a guère d’importance. Mais enfin, on est ici, il faut occuper le temps! Je suis d’une famille d’officiers, ma fonction naturelle aurait été d’être dans l’armée : chez nous quand on sert c’est plutôt la Légion et les parachutistes - les troupes de choc! J’ai fait Saint-Cyr en 74, en même temps que mon frère aîné - je serais actuellement colonel, général dans deux ans, ma place était là... J’ai senti un appel assez mystique. La forêt de l’École spéciale militaire de Saint Cyr a été transportée en 47, à cause du manquement de champ de manoeuvre, dans les landes bretonnes : c’est exactement à l’emplacement de la forêt de Brocéliande, là où a été jetée par le roi Arthur mourant l’épée Excalibur. Et cette épée m’attend. Ma vision politique cartésienne s’inscrit aussi dans une logique divine. La mythologie anglo-saxonne attend le chevalier des temps ultimes qui viendra acquérir cette épée : je pense qu’elle est pour moi, j’ai eu des flashes dans le forêt de Brocéliande, au cours de l’automne 74.

- Et ton association est créée pour te porter?

- L’association s’appelle Arlequin, ce qui veut dire « Association de rencontre et de libre expression pour la qualité et l’utilité des initiatives nouvelles et nationales ». Elle a été créée en 1975 par un groupe d’amis. Nous étions « jeunes et larges d’épaules et on attendait que la mort nous frôle », pour reprendre la chanson de Lavilliers, reprenant lui-même un poème de Victor Hugo. On était des jeunes ivres de vie, n’ayant peur de rien et beaucoup parmi nous sont décédés aujourd’hui. Il reste quelques survivants, c’est le deuxième souffle, c’est le retour, cette fois nous avons pris de la bouteille, nous sommes des quadragénaires, ceux qui restent reviendront avec moi. Nous croyons à la fidélité.

- Le but?

- Mon projet est tel qu’il est. Il n’est pas totalement au point... Je dois dîner dans un mois avec le fils de Fidel Castro, qui disait : « L’action existe avant la conscience » -et quelque part, c’est vrai, mon projet a des lignes de base, il y a des choses que je veux, par exemple l’éradication des réseaux de pédophilie, de la drogue dure, suppression des paradis fiscaux - ça, ce sont des point précis, nets et sans bavures qui ne se discutent pas. Ceci dit, ce qui compte c’est l’incarnation - c’est le chef! Comme disait Catherine de Russie à Diderot : « Vous vous travaillez sur du papier moi je travaille sur la peau humaine! ». Je m’apprête à travailler sur la peau humaine... Quand je me baigne dans la mer, en hiver, je sens la morsure du réel, quand je fais un match de boxe je croise une paire d’yeux à vingt centimètres de moi et si je baisse ma garde je tombe. Je ne suis pas un utopiste, j’ai la tête dans les étoiles, mais les pieds bien sur terre. Donc, cette association, c’est évident, est faite pour me porter en haut. Je m’appelle Frédéric - je ne veux aucun titre que Frédéric . Je serais incapable d’être le maire d’un village de trente habitants, seulement Frédéric veut dire en germanique le « roi puissant » -et je m’apprête à être ce roi! Les Allemands attendent un grand empereur qui se réveillerait de sa grotte de Thuringe où il dort depuis le moyen âge, avec la barbe qui fait trois le tour de sa table. Cet empereur s’appelle Frédéric3 : je suis ce Frédéric! Jean XXIII, le pape, lorsqu’il était nonce apostolique dans les pays musulmans a été initié à la magie et il a fait la « prophétie des vingt-six noms » : il a par exemple donné le nom de l’assassin de Kennedy trente-cinq ans avant, il a également prédit la chute du communisme4. Et là je me sens un peu concerné, pusiqu’il a dit : « Frédéric bienvenue au royaume de l’humilité bienvenue élu parmi les humbles choisis Augustin rejette Benoît ». J’en ai longtemps cherché la signification. J’ai failli être bénédictin, je suis un adepte des monastères : il y a un mois et demi je passais encore une semaine à l’île Saint-Honorat, en face de Cannes, chez les bénédictins, mais j’ai fréquenté aussi Fongombault, de nombreux monastères bénédictins, mais également franciscains et taoïstes à Nantes, bouddhistes vietnamiens à Joinville-le Pont, bouddhistes tibétains près de Chambéry... Pour connaître, il faut savoir. Je me suis présenté également aux Législatives à Nice en 92 face au doyen d’âge de l’Assemblée nationale : j’ai eu très peu de voix, mais je ne cherchais pas à avoir des voix mais à connaître un peu le métier démocratique.

- Tu m’as dit un jour que tu t’étais « lu » dans Nostradamus...

- J’aime bien Nostradamus, qui est un peu le Beethoven de la voyance, le plus grand prophète occidental de la voyance depuis la naissance du Christ. Le quatrain est le 2, 94 « Grand Pau grand mal pour Gaulois recevra vaine terreur au maritin Lyon peuple infini par la mer passera sans eschapper un quart d’un million ». Quant au quatrain mis en exergue par Paco Rabanne, tout le monde a dit que « sept mois » c’est juillet 99. Mais il ne s’agit pas de « septième mois » : il s’agit de septembre - et le « grand roi d’effrayeur » c’est peut-être - moi-même! Tout simplement!

- Comment en es-tu arrivé là - si je puis dire...?

- Il y a une anecdote qui rejoint à la fois le côté « élu » et mon côté « médium ». Lorsque j’avais huit ans je partais en catalepsie... J’étais en train de manger à table avec ma famille et tout d’un coup je partais dans mes rêves, ou dans un ailleurs que je ne connaissais pas bien. Et tout à coup je n’étais plus là et ma fourchette tombait par terre et je me réveillais... Au bout de cinq-six fois, mon grand-père, qui était un officier de Légion style Jean Gabin, me voyant devenir pâle, m’a cité un vers de Vigny à propos de Moïse : « Toi, tu es pâle et pensif parce que déjà tu sais que tu es l’élu du Tout-puissant ». J’ai senti des chose étranges... Lorsque j’étais à l’école, au lieu d’écrire une dictée, mon esprit partait ailleurs. Je recevais des calottes. J’ai appris après que c’était l’écriture automatique, le système de voyance qu’utilisait le maître de Salon de Provence. Nostradamus, mon maître en voyance, est né le 14 décembre. Chose étrange, mon maître d’arts martiaux également - et Beethoven5(en musique c’est mon maître) lui aussi! Ce n’est pas une coïncidence. Jung parle de « synchronicité ». La synchronicité sur laquelle j’ai beaucoup travaillé permet de faire des miracles. Quand le Christ arrête la tempête, sur le lac de Tibériade, c’est qu’il est en sympathie, complicité, osmose et synchronicité avec les éléments humains, animaux, végétaux et minéraux. A mon très modeste niveau j’arrive à faire des mini-miracles, parce que je n’ai pas de pudeur et que je suis en osmose avec certaines forces.

- Ce serait intéressant de les démontrer ces miracles, non?

- Absolument! Je me prépare. Je vais faire un « numéro de claquettes ». Tout respect gardé, le Christ a lui aussi fait un « numéro de claquettes »! Mais le Christ lui-même a dit de ne pas se fier à ses miracles : ce n’est pas ça qui compte. Il a fait des miracles pour attirer les gens, comme Napoléon qui a créé la Légion d’honneur en disant : « C’est avec des hochets qu’on mène les hommes ». Le problème n’est pas là. J’essaye d’être un homme total. Ecce homo.

- Des exemples de tes miracles, flashes, pouvoirs?

- Ma devise est celle de l’officier de la Navy dont le dernier bateau était en train de couler face à la flotte britannique et qui disait : « Je n’ai pas encore commencé à me battre » - et ensuite il disparaît sous les flots. Je dirais pareil : j’ai quarante-six ans, frais comme un gardon et je n’ai pas encore commencé à me battre. Tout ce que j’ai fait est à niveau homéopathique. Je n’ai pas fait des jeûnes de quarante jours comme le Christ (j’ai fait des petits jêunes), je n’ai pas fait la guerre comme le général Bigeard ou le maréchal Ney (mais juste six ans dans l’armée)... Au niveau de ce que j’ai pu réaliser en magie, j’ai fait tourner des tables, je sais me servir d’un boule de cristal, j’ai travaillé sur le pendule après lecture du livre du professeur Rocard - qui n’est pas n’importe qui6 -, j’ai utilisé le tarot de Nostradamus, j’ai fait l’imposition des mains, appris à guérir, à faire partir des psoriasis, etc. Une fois, à l’occasion d’un émission de Jean-Marie Cavada, qui se déroulait à Cannes, j’ai rencontré un député du Soviet Suprême, Sebastianov, j’ai eu un flash, je lui ai dit qu’il était né dans la région où la famille du tsar a été assassinée : il est devenu blanc, m’a demandé comment je savais ça, on a parlé pendant une heure. D’où ça vient, par où, quand, comment, ce n’est pas mon problème. J’ai attaqué le piano à quinze ans et trois mois après je jouais assez bien pour me produire sur des petites scènes. Lorsqu’on est en bicyclette, si on s’interroge sur la façon dont elle avance, on se casse la figure!

- Pourquoi ne participes-tu pas au Prix Défi Zététique « Broch-Majax-Theodor »? Cela fait plusieurs années que je te demande le faire. Deux cents mille euros, ce serait un « plus » pour ton association!

- Maintenant je pourrais aller voir Broch... Mais je ne peux pas dire quand je serais secrétaire général de l’ONU...

- Pourquoi ne pas commencer par de plus petites choses, plus vérifiables? Parce que tu es quand même conscient que quand tu vas dire tout cela sur les plateaux, les gens vont te prendre pour un fou?

- Oui, mais c’est comme les noces de Cana avec Jésus. Sa mère, ça l’embêtait. Oui... bon... je ne sais pas... Quand je vais passer dans les médias, je verrai - je crois totalement à la spontanéité, je crois à Jeanne d’Arc, qui n’a pas fait de calcul. Je ne me suis pas encombré des armes traditionnelles de ceux qui réussissent : j’ai des armes spirituelles. Pour parler comme je parle il faut oser! Je crois au Saint-Esprit, à la force du Tao. Je suis ami avec Jean-Claude Bourret, bien que je ne crois pas à ses soucoupes en ferraille. Quand je lui ai demandé un conseil il m’a regardé et il m’a dit : « Le messie n’a pas besoin de conseil! ». Je ne me prends pas pour le messie. Ceci dit...

- Tu es sûr qu’il ne se moquait pas de toi?

- Non! De toutes façons je prends tout à tous les degrés. Toute phrase sérieuse a un côté humoristique et toute phrase moqueuse a une part de vérité. J’ai une manière de raser les montagnes et de combler les gouffres pour arriver à une ligne droite. Ceux qui font monter la foule pour se moquer de moi, je les ferai taire : leur rire leur restera dans la gorge! Je m’apprête à faire quelque chose de beau.

- Est-ce que tu te rends compte que si tu faisais la preuve de tes pouvoirs, même à un petit niveau, ça clouerait le bec aux sceptiques dans mon genre?

- Il ne s’agit pas de te clouer le bec : je ne clouerai le bec à aucun honnête homme! Tu as raison de ne pas faire de cadeaux aux imposteurs! Et je ne pense pas être un imposteur - en tout cas j’essaye. N’oublions pas que Descartes, que les gens connaissent mal, a écrit son Discours de la méthode après une illumination qui ressemble à celle de Blaise Pascal. Je n’ai rien contre les cartésiens, je démystifie moi aussi. Si on avait coupé la tête au Christ, il ne serait pas ressuscité : non, négatif! Pour moi, le surnaturel est scientifique. Une photo imprime une image : dans les châteaux-fort les cathédrales on a des pierres qui enregistrent tout ce qui s’est passé. Lorsque je suis entré pour la première fois à Saint-Denis, dans la basilique des rois de France, j’ai failli tomber dans les pommes tellement l’histoire de France m’a sauté au visage! Je pense aussi que, quand on joint ses mains, on est comme une antenne pour recevoir quelque chose du divin, lorsqu’on serre le poing vis-à-vis de quelqu’un, on lance des ondes destructrices.

- Donc : attendons?

- J’essaye d’avoir cinq ans d’avance sur les événements. Je travaille sur ce qui va arriver, en espérant que ce qui va arriver après ce sera moi-même. Et lorsque je dis « je », c’est du cosmos dont je parle. Il y a une correspondance entre le macrocosme et le microcosme : l’esprit habite des êtres, de siècle en siècle, et j’accepte d’être habité par une forme de Saint-Esprit. Et j’essaye de ne pas être ridicule en disant ça!

C’est en effet tout le mal qu’on peut souhaiter à Frédéric Pau.

Grâce à lui, en tout cas, une expérience grandeur nature va avoir lieu, qui nous permettra d’observer si la méthode Coué permet aux pianistes mystiques de conquérir le monde...


Paco régresse


En-dehors de ses périodes frénétiques où les visions s’emparent de son esprit, M. Rabanne, dit « Paco-tête-en-l’air », entretient ses facultés psi. Las de se projeter dans un futur glauque où les catastrophes s’amoncellent, il aime à se dévêtir de son maillot de bain charnel et à plonger dans la mer d’huile du grand passé. Nage papillon pour se transformer en chenille. On appelle ça : les « régressions dans les vies antérieures ». Et comme le dit justement le styliste, « qui dit régression dit régresser ». A ce petit jeu, il a pulvérisé les limites du temps et de l’espace, est parvenu à s’introduire dans des époques pleines de surprises et de trésors cachés.

Pour devenir historien, plus n’est besoin de labourer les archives : grâce à Paco, une bonne séance de régression, une petite cure de méditation et vous vous retrouvez catapulté dans la spirale des temps, aux heures bénies de votre jadis et naguère. Il ne vous reste plus qu’à écumer ces régions fertiles et en faire profiter votre éditeur et vos lecteurs.

Naturellement, pour parvenir à ce résultat réjouissant sur le plan social et bancaire, il faut que vous ayiez déjà vécu, que vous soyez un réincarné riche de mémoire. Si vous n’en êtes qu’à vos débuts sur Terre, il vous faudra patienter quelques millénaires, avant de toucher les dividendes de vos exploits.

Paco ne parle pas sans munitions et, pour notre gouverne, s’est attelé à la tâche ardue de rassembler les souvenirs qu’il conserve depuis l’aube des temps.

Chez lui, la quête du passé est une tradition de famille. Sa grand-mère racontait avoir « hérité ses secrets des anciens druides » et conservait dans ses malles « un arbre généalogique » commandé par le grand-père, « qui remontait à l’an 600 ». Peu importe que ce soit impossible : comme disait Fontenelle, « je trouve tout cela trop faux et trop joli pour y répondre sérieusement ».

Paco Rabanne effectue son premier « voyage astral » à l’âge de sept ans. Peu à peu, il grimpe dans le « septième plan vibratoire » et l’idée s’impose à lui qu’il a été « autre et pourtant le même dans un passé lointain ». A douze ans, « dans la lande bretonne », il creuse un « trou dans l’humus » et ensemence la terre : « un éclair de lumière me passa devant les yeux, le sol trembla et je m’effondrais. ». Tout allait déjà pour le mieux à la haute époque. Ce rapport physique avec Gaïa lui sera profitable, plus tard, pour approcher les « génies » : les « Gnomes, sortes de lutins rouges... (qui) provoquent des tremblements de terre, les « ondins (qui) déclenchent des inondations terribles », les « salamandres (qui) allument de gigantesques incendies de forêt » et autre sylphes « qui ressemblent à de longs nuages gris ». Grâce à une table compatissante et rusée, qui lui révèle le sujet des examens, il obtient son bac « haut la main ». Facile! Un beau jour, il se rend compte que nous conservons des « signes physiques de nos vies passées ». Il offre un aperçu de sa science dans son livre Trajectoire : « Les petites mains sont celles des gens morts autrefois dans l’enfance ou l’adolescence, qui ont besoin d’être confortés sur le plan sentimental ou dominés sur le plan sexuel, alors que les grands mains dénotent une personne plus mûre, plus autonome, sans doute décédée à un âge avancé ». On arrive également à lire le nombre de réincarnations d’après la position de l’iris dans les yeux : lorsqu’il est en position « soleil levant », nous avons « moins de mille ans », en position « soleil couchant », nous avons des vies qui nous poursuivent depuis « plus de cinq mille ans »...

Se construisant sur d’aussi bonnes bases, Paco Rabanne saisit bientôt qu’il vient de la planète Altaïre, « au centre de notre galaxie », et qu’il a débarqué sur Terre « pour fonder l’Atlantide ». Que l’Atlantide soit un mythe fondé par Platon, comme on le sait aujourd’hui7, ça ne lui est pas venu à l’esprit. Il date son « plus vieux souvenir à environ soixante-quinze mille ans avant Jésus-Christ », réminiscence qui demande, croyez-le ou non, un sacrément bel effort de concentration. Par la suite, il se projette en Égypte : « prêtre initiateur des pharaons, je côtoyais les personnages les plus hauts placés de la cour d’Aménophis III ». Il est l’éducateur d’Aménophis IV, qui devient Akhénaton. En passant, il assassine Toutankhamon. Il enjambe les siècles avec des bottes de sept lieues : il est « prêtre inquisiteur », proche de Torquemada, il « torture des gens ». La valse à mille temps continue : « J’ai le souvenir d’avoir été une prostituée au XVIIIe siècle », sous Louis XV.

Et le voilà qui atterrit, par un beau jour de 1934, dans le Pays Basque espagnol, dans le village de Pasajès de San Pedro, faisant par la suite carrière dans la couture. Notre Paco à nous!

Une si longue mémoire joue de vilains tours. A force d’être tourné vers le passé lointain, on en vient à oublier le passé proche et le présent. Lors d’une émission de Tina Kieffer, il y a quelques années, j’avais pris Paco Rabanne à partie, à propos de sa prédiction honteuse sur la « fin du sida en 1995 ». Interloqué, gêné aux entournures, il avait commencé par fermement nier l’avoir faite... Non, non et non! ce n’était pas de lui, cette bêtise-là! Gros yeux, moulinet des bras. Il avait fallu que je sorte l’ouvrage de ma sacoche et le lui glisse sous le nez, pour prouver ma bonne foi aux spectateurs. « Vos livres, c’est bien de les écrire - encore faudrait-il les avoir lus! ». Surpris, il n’avait pas insisté, se contentant de hocher la tête, en continuant de faire comme si j’avais inventé de toutes pièces cette fausse prédiction...

Autre oubli fâcheux. Émission Tout le monde en parle de Thierry Ardisson, printemps 99. L’animateur, fidèle à sa vocation d’intervieweur indélicat mais bien renseigné, lui demande s’il est exact qu’il n’a pas connu l’amour charnel avant la trentaine. Est-ce véritablement la question la plus pertinente à poser, pour être franc je ne le crois pas, mais les téléspectateurs peuvent noter la réaction amusée et stupéfaite du couturier, qui se demande où l’animateur, décidément curieux, a déniché de telles fredaines! Il lui rétorque que l’information est sans fondement - et l’affaire en reste là. Les fiches d’Ardisson ne portant pas de références, le spécialiste des nuits parisiennes, d’habitude volubile, ne sait quel argument lui opposer. Il y en avait pourtant un et qui aurait fait mal. L’anecdote croustillante du «  dépucelage tardif » est contenue dans le même livre que j’avais brandi à J’y crois, j’y crois pas. Le lecteur qui désire savoir la suite pourra s’y reporter, la réponse se trouve en page quarante-trois.

La mémoire de Paco Rabanne est vraiment mal réglée.

A moins qu’il ne profère, dans ce domaine aussi, des tonnes de balivernes?

- Mais la réincarnation est l’une des plus anciennes croyances de l’humanité!

Peut-être : comme l’idée que la Terre est plate.

- Mais des millions de gens y croient, y ont cru!

Peut-être : mais quantité n’est pas qualité. Xénophane nous dit que Pythagore croyait à la réincarnation parce qu’il avait reconnu la voix d’un ami défunt dans l’aboiement d’un chien, mais Paco Rabanne nous affirme « qu’on ne peut en aucun cas se réincarner en animal ». Lequel des deux a raison? Seule la foi peut les départager. Leurs options sont improuvables. Absolument hors du champ scientifique.

- Et les témoins qui ont « régressé », les cas étudiés par Patrick Drouot, le « grand spécialiste français des régressions » ou Ian Stevenson, le gourou mondial de la réincarnation?

Le phénomène d’attente est bien connu. La personne qui se livre à une expérience espère en retirer quelque chose. Un besoin psychologique ardent, l’envie de vivre un quart d’heure extraordinaire peuvent entraîner bien des gens sur la pente des illusions. Le pseudo-thérapeute peut également influencer, conditionner le sujet. Ce sont les croyants qui font le rapprochement entre leur expérience personnelle et l’idée de la réincarnation. Leurs suppositions deviennent vérité universelle parce qu’ils en décident ainsi. Un genre de méthode Coué : j’y crois, donc c’est vrai. Rien de moins rationnel. Faut-il croire aussi, comme certaines tribus amérindiennes, que les rêves entraînent la décorporation? Les indiens se « voient » pourtant voyager durant leur sommeil...

Les témoignages des « réincarnés » ne deviendraient intéressants que si, grâce à eux, on pouvait découvrir un fait historique inconnu - ou un site englouti, un trésor enfoui... Pour l’instant, on en est loin! Paco Rabanne n’a pas été l’auxiliaire de l’égyptologue Christiane Desroches Noblecourt, il n’a participé à aucun champ de fouilles dans la Vallée des Rois. On ne connaît pas mieux le règne de Touthankamon depuis qu’il s’est lancé dans la régression. En fait, tout ce qu’il sait de l’Égypte ancienne c’est ce qu’il en a lu.

La thèse réincarniste se veut simple, mais elle n’explique rien et complique tout. Alors que nous assistons à l’effondrement des dogmes, à l’avènement d’une spiritualité individuelle, confuse et au succès du bouddhisme, la mode actuelle de la réincarnation ressemble à une fuite en avant.

Paco Rabanne n’en dit rien, mais la réincarnation connaît d’abord un douloureux problème de définition. Autant de théories, autant d’auteurs. La réincarnation « à l’occidentale », issue de Mme Blavatsky, fondatrice de la Théosophie et de Rudolf Steiner, créateur de l’Antroposophie, est foncièrement optimiste. C’est par le saut de corps en corps que se réalise le salut individuel. A l’opposé, la théorie orientale, héritée de l’hindouisme et du bouddhisme, est viscéralement pessimiste : il s’agit pour l’homme d’échapper le plus vite possible à sa réincarnation pour se fondre dans le grand tout. Deux approches difficilement compatibles. Pour certains, l’homme peut se réincarner en chauve-souris, pour d’autres le stade animal est exclu... Personne n’est d’accord!

Et d’ailleurs, première question à se poser (et que ne se pose pas Paco) : qu’est-ce qui est supposé subir une transmigration? L’âme? C’est quoi, l’âme? Aristote disait que c’était la « forme du corps » et que cette forme périssait avec lui. Pour lui, ce n’était pas l’âme mais « l’esprit » qui vivait éternellement. Aujourd’hui, la science a beaucoup avancé. Le professeur Changeux a découvert que l’activité mentale correspond à l’activité neuronale. Il n’y a plus de place pour l’âme au sens ancien du mot. Seule reste la mémoire, qui disparaît avec le cerveau. Avec le progrès des connaissances, l’âme s’est subitement évanouie et ne semble pas prête d’être réintroduite dans le champ scientifique. Dès lors, qu’est-ce qui peut encore gambader de corps en corps?

Les réincarnistes comme Rabanne font fi d’autres problèmes insurmontables. Par exemple, que reste-t-il de nous si nous sommes un autre? Ce qui fait l’unité de notre personne, c’est notre corps étroitement associé à notre personnalité, nos habitudes, notre mémoire : le sourire compréhensif d’une grand-mère myope - les tartes aux coings en revenant du parc - un baiser vanillé sur le pont transbordeur - New York à minuit le jour de Noël - le fol écureuil du jardin botanique - une mèche blonde zébrant un regard de biche - la joie d’un devoir de maths réussi - quelques notes entendues dans les rues de Cuba - un coucher de soleil, le 17 juillet, à Florence - un pièce montée qui s’effondre - une mazurka place du marché, à Varsovie - un ami au rire de mouette - la tristesse d’une rupture avec Diane - une victoire aux échecs - la perte de François - le parfum naturel de la peau de Marine...

Si nous perdons corps et personnalité, si notre mémoire entière s’est évanouie, que reste-t-il de nous? Rien. Nous avons disparu, nous n’existons plus. Nos composants ne disparaissent pas, sans doute, et la poésie peut s’emparer du sujet pour nous diluer dans un bouquet de roses ou un champ de coquelicots. Je suis très sensible à cette évocation, mais il n’en reste pas moins que nous ne serons réellement ni roses ni coquelicots...

La réincarnation, dont les stars de notre belle Amérique ont plein la bouche, ressemble en fait à une maison de correction dirigée par des inconséquents. Sa fonction est de corriger les fautes commises en d’autres époques. Quel peut en être l’intérêt si, à part une poignée de pseudo-privilégiés à la Paco Rabanne, nous avons tout oublié de nos frasques, de nos amours, de nos expériences passées? C’est comme si l’on disait à un étudiant devenu amnésique qu’il peut se présenter à la session de rattrapage sans lui préciser ni l’université, ni la filière, ni le type d’examen qu’il doit passer! D’un point de vue moral, c’est absurde - sur un plan pratique, c’est parfaitement vain, puisque nous n’avons pas connaissance des fautes que nous devons payer ni des défauts que nous devons chasser.

Le plus regrettable, dans le discours réincarniste, est la justification du malheur présent par le poids des fautes commises dans les « vies antérieures ». Vous avez péché, vous aurez à payer l’addition pendant des millénaires. Le pire de tout, c’est que vous ignorez quel crime vous avez pu commettre!

Paco : « il n’y a (...) personne sur terre qui n’ait accepté les conditions exactes de son incarnation, famille, corps, handicaps de toutes sortes ». Ceux qui vivent des situations difficiles l’ont délibérément choisi dans l’astral. « Un dictateur responsable de mille atrocités retournera sur terre dans le corps d’une mendiante aveugle, condamnée à subir toutes les humiliations et toutes les souffrances du monde ». Merci pour elle! Inutile de chercher à l’extraire de sa triste condition : elle l’a voulu! Qu’elle s’estime heureuse que nous ne lui lancions pas des pierres! Légitimation catégorique du système des castes et de l’immobilisme social : philosophie de congélateur.

Sous cet angle, cette philosophie qu’on nous présente comme la panacée universelle et moderne est très inférieure à celle de la vieille Église catholique qui offre au moins le pardon de Dieu à chaque confession. Ce n’était pas la peine, assurément, de vouloir tout ce chambardement!

Ce qu’il y a d’attristant chez les réincarnistes, fervents de « la plus haute tradition spirituelle de l’humanité », c’est qu’ils ont oublié (!) que dans les temps anciens, ces temps merveilleux dont justement ils se réclament, leur doctrine a été démystifiée par plus d’un philosophe éminent. L’épicurien Lucrèce (- 94; -51), pour ne prendre que lui, a consacré quelques belles pages à la réfutation de la réincarnation dans son De Rerum natura 8.

Cet auteur, qui avait compris que la matière est mouvement, qui avait brossé dans ses grands traits l’évolution des espèces, qui estimait admissible l’existence de mondes extra-terrestres, qui avait pressenti l’ADN, jugeait également, d’après son observation du monde, que la nature de l’esprit est matérielle et que l’esprit ne peut exister sans le corps. « Et l’âme serait immortelle? Séparée de notre corps, elle pourrait éprouver des sensations? (...) Malheureusement, sans le corps, ni les yeux, ni le nez, ni la main, ni la langue, ni les oreilles ne sauraient à eux seuls et de leur propre mouvement, prêter leur concours à l’âme... Âmes donc bien incapables de sentir ou d’exister par elles-mêmes! ». Les arguments, tirés de l’exercice de la raison, qu’il fournit à l’encontre de la réincarnation sont tout aussi percutants. Nul n’a fait mieux depuis.

« Mais l’âme (...) se glisserait, à la naissance, dans le corps? Dans ce cas, pourquoi sommes-nous plus tard incapables de nous rappeler notre vie antérieure, pourquoi ne gardons-nous nulle trace de notre histoire? Si les facultés de l’esprit sont altérées au point qu’il ait perdu tout souvenir de nos actions passées, je ne vois pas que cet état soit très différent de la mort... (...).

« Supposons cependant que l’âme et ses facultés vitales viennent à notre naissance, à notre entrée dans la vie, s’installer dans un corps achevé : impossible de concilier cette hypothèse avec le fait que nous la voyons grandir et se développer en même temps que le corps (...) pourquoi le poulain n’a pas l’assurance du cheval adulte qui a subi un entraînement ?

« Imaginer les âmes attentives aux accouplements sexuels des êtres et à la mise bas des femelles animales, imaginer que des immortelles attendent en foule de trouver un corps mortel et rivalisent de rapidité et de souplesse pour s’y glisser en premier, voilà vraiment le comble du ridicule! A moins qu’elle n’aient conclu un pacte, ces âmes, en vertu duquel la première arrivée, à force d’ailes, auprès d’un corps, aura le droit de s’y glisser la première sans donner lieu à aucune contestation ni violence? »

Lucrèce avait compris l’un des drames du monde des hommes : « Par crainte de la mort, on en vient à haïr la vie, à haïr la lumière ». Il s’était rendu compte que les prêtres et les marchands d’illusions parient sur les arrière-mondes pour asservir l’humanité terrorisée. Prométhéen, il avait entrepris de « libérer les âmes des noeuds étroits de la superstition », pour faire jaillir la lumière et écraser du même coup les peurs sans fondement. Héroïque mission!

Où en est-on aujourd’hui, plus de 2000 ans après d’aussi sages et rationnelles considérations?


Paul-Éric Blanrue

1 Saint Malachie, moine d’Irlande (1094-1148) est supposé avoir écrit des prophéties concernant l’avenir de la papauté qui se seraient révélées exactes. A chaque pape correspond une devise latine mystérieuse (cent onze en tout) qui illustrerait son règne de façon significative. Le régne de Jean-Paul II correspond ainsi à la devise : de labore solis, « du travail du soleil ». Pour le suivant : « La gloire de l’olivier ». La dernière prédiction évoque un « Pierre le Romain », après qui, « la ville au sept colline (Rome) sera détruite et s’ouvriront les temps du Jugement dernier ». Particulièrement appréciées par les chevaliers de l’Apocalypse, ces prophéties sont en réalité un faux du XVIe siècle, publiés pour la première fois à Venise en 1595 par le bénédictin Arnaut de Wyon. Les prophéties s’étalant du XIIe siècle à la fin du XVIe, se révèlent particulièrement justes (pour cause : elles ont été écrites après coup) tandis que les autres laissent place à des interprétations libres et hautement fantaisistes.

3 Allusion au mythe du « grand monarque » qui, dans les pays germaniques, s’est cristallisé sur la personne de l’empereur Frédéric Barberousse. Après sa mort en 1190, des rumeurs circulèrent, prétendant qu’il n’était pas mort et qu’il dormait dans le grotte de Kyffheuser, dans les montagnes de Thuringe. On disait qu’il réapparaîtra un jour et que sous sa tutelle l’Allemagne régnerait sur le monde pour une durée de mille ans.

4 C’est en tout cas ce que prétend, sans apporter la moindre preuve, l’ésotériste italien Pier Carpi, dans son livre Les Prophéties du pape Jean XXIII, paru en 1976. Pour lui, en 1935, alors que Angelo Roncalli n’était pas encore pape, mais délégué apostolique en Turquie, il aurait été « initié » dans un temple rosicrucien, sous le nom de « frère Johannès » et aurait annoncé l’avenir du monde, jusqu’au « règne de Dieu sur terre », prévu pour 2033. Sachons patienter.

5 On ne connait pas le jour exact de la naissance de Beethoven - mais il s’agit sans doute du 16 ou 17 décembre plutôt que du 14.

6 Dans Le Signal du sourcier, le défunt Yves Rocard, père de l’ex-Premier Ministre, prétendait que les sourciers réagissaient à un gradient de champ magnétique, qui leur permettait de trouver de l’eau avec une certaine facilité. De 1964 à 1966, le Comité belge pour l’investigation scientifique des phénomènes réputés paranormaux, sous la houlette du professeur Koenigsfeld, spécialiste du magnétisme terrestre, a répété les expériences que le professeur proposait. Résultat négatif. Rappelons qu’aucune expérience de radiesthésie menée selon un protocole sérieux n’a jamais abouti à un résultat positif.

7 Lire ce qu’en dit l’archéologue Jean-Pierre Adam, Le Passé recomposé, Chroniques d’archéologie fantasque, Ed. du Seuil, 1988.

8 Lucrèce, La nature des choses, Arléa, 1995.