Cercle Zetetique

Assassinat de Kennedy :

Oswald, Mafia, CIA et les autres...

JFK

Par Paul-Éric Blanrue

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Dallas (Texas) - 22 novembre 1963. 11h 38 : "Air Force One", le Boeing 707 de John Fitzgerald Kennedy, atterrit à l'aéroport de Love Field. Le 35e président des États-Unis entame avec sa femme Jacqueline une tournée nationale en vue de préparer sa réélection à la présidence, prévue pour novembre 1964. Pour ce voyage, le couple présidentiel est accompagné du vice-président Lyndon Johnson et du gouverneur du Texas, John Connally.

JFK et son epouse a Lovefield

Kennedy est attendu dans un centre commercial de Dallas pour un banquet auquel doivent participer 2500 convives. Le temps est superbe pour la saison. John Kennedy a fait décapoter sa limousine bleue pour traverser la ville. Le cortège démarre à 11 h 47. Il se compose d'une vingtaine de véhicules, avec à sa tête le chef de la police de Dallas et le shérif du comté. Les Kennedy ont pris place à l'arrière de la seconde voiture, John à droite, Jackie à gauche, comme il est d'usage. Devant eux se trouve le couple Connally, disposé de la même façon. Aux premières places sont assis deux agents du Secret Service, Roy Kellerman et William Greer, qui fait office de conducteur. La limousine est suivie par une voiture garnie de huit autres agents de sécurité, précédant celle du vice-président Johnson.

Meurtre sur Elm Street

La JFKmobile

Les drapeaux tricolores battent au vent. Kennedy, le sourire radieux, et son épouse, qui porte un ravissant tailleur rose avec une toque assortie, sont acclamés par une foule en liesse. Les voitures progressent lentement, ne dépassant pas 20 km/h. Elles doivent s'arrêter à deux reprises pour que le président puisse saluer des enfants et un groupe de religieuses. A la hauteur de Dealey Plaza, la parade quitte Main Street pour s'engager à droite, puis à gauche, sur Elm Street. La limousine passe devant le Texas School Book Depository (un entrepôt de livres scolaires), situé au n° 411, et s'apprête à passer sous le pont ferroviaire, pour prendre l'autoroute de Stemmons, qui conduit au centre commercial.

A peine le dépôt de livres est-il dépassé que des coups de feu éclatent. Trois ou quatre, certains disent plus, on ne sait au juste dans l'affolement général. Il est 12 h 30. John Kennedy s'effondre aussitôt sur les genoux de sa femme. Jackie, en état de choc, monte sur le coffre arrière du véhicule pour y attraper un bout de la cervelle éclatée du président. Son garde du corps, Clint Hill, qui se tenait sur les marches de la voiture suivante, se hisse à bord de la limousine et lui fait regagner sa place.

On vient de tirer sur le président! C'est un attentat! Les spectateurs avaient d'abord cru qu'il s'agissait d'une pétarade de moto... Ils viennent juste de comprendre. La panique s'empare de la foule.

La voiture présidentielle, après avoir hésité, fonce maintenant vers Parkland Memorial, l'hôpital le plus proche, à six kilomètres de là. Sur les bords de la route, les badauds continuent d'applaudir, ne sachant pas encore que l'on vient de tirer sur celui qu'ils acclament...

Le convoi atteint Parkland Memorial à 12 h 36. Connally, qui est légèrement atteint au poignet, à la cuisse, à la poitrine et au dos, se rend aux urgences. Il s'en tirera sans trop de mal. Kennedy, lui, est grièvement blessé au dos, au cou et à la tête et, malgré les soins intensifs qu'ils lui prodiguent, les praticiens du service traumatologique se rendent vite compte qu'il n'y a plus aucun espoir.

Peu après 13 h, les médecins constatent la mort du président. A 13 h 33, un porte-parole de la Maison Blanche, Malcolm Kilduff, annonce la triste nouvelle.

Le corps du défunt est déposé dans un cercueil de bronze. A 14 h, il est transféré par une ambulance à l'aéroport de Love Field, puis hissé à bord d'"Air Force One" pour être rapatrié sur Washington. Juste avant le décollage, à 14 h 30, le vice-président Johnson prête serment à la Constitution, en compagnie de Jackie Kennedy, encore recouverte du sang de son époux. L'Amérique a son 36e président.

Le 5e étage du Book Depository

Le book depository

Pendant ce temps, du côté des forces de police, les événements se sont précipités. Sur place, les témoins de la fusillade ont hésité à localiser l'origine des coups de feu. Certains ont désigné la palissade de bois située derrière le tertre gazonné d'Elm Street, à gauche de la colonnade, ce qui laisserait supposer que le président a été abattu par un tir de face; d'autres, ont montré du doigt le Texas School Book Depository, ce qui indique des coups de feu tirés par derrière. Peu après les détonations, la plupart des agents de police ont été envoyés à l'entrepôt.

Le premier à y pénétrer est l'agent Marrion Baker, qui circulait à moto sur Houston Street. Dès qu'il s'est rendu compte du drame qui se déroulait, il a foncé vers l'immeuble, en croyant que le tireur était embusqué sur le toit. Avec le directeur du dépôt, Roy Truly, il gravit les escaliers quatre à quatre. C'est l'heure du déjeuner et le dépôt est presque désert. Au premier étage, les deux hommes tombent nez à nez avec un individu occupé à sortir une bouteille de Coca-Cola d'un distributeur automatique.

Baker l'interroge, arme au poing. L'individu se nomme Oswald. Il prend son temps, paraît calme. Truly s'en porte garant : il reconnaît Oswald; c'est un magasinier qu'il a embauché il y a un mois. Baker, rassuré, laisse filer le suspect et continue sa montée. A 12 h 37, le bâtiment est bouclé. A 12 h 45 la police diffuse aux patrouilles le signalement du tireur qu'un spectateur a aperçu à la fenêtre du cinquième étage du dépôt de livres (en Amérique, on parle du "sixième niveau") : "un homme blanc, d'environ 30 ans, mince, 1m 80". L'émission est répétée à 12 h 48 et 12 h 55.

Désormais, tout va aller très vite.

Un second mort

A 13 h 16, grâce à l'appel du camionneur Domingo Benavides, on apprend qu'un policier en patrouille, J. D. Tippit, vient d'être abattu dans le centre d'Oak Cliff, en banlieue de Dallas. A 13 h 29, le signalement du meurtrier de Tippit est transmis aux voitures de police : elle correspond à celle du tireur du dépôt de livres. Un quart d'heure plus tard, John Brewer, qui tient une boutique de chaussures à 1 km de l'endroit où Tippit vient d'être assassiné, remarque le comportement étrange d'un jeune homme, qui semble se dissimuler à l'approche des voitures de police. Le voyant courir jusqu'au cinéma Texas Theater, sur West Jefferson Street, Brewer le suit, puis pénètre dans la salle avec l'ouvreur, pendant que la caissière appelle la police.

Il est 13 h 50 quand la police entre à son tour dans la salle. On allume les lumières. Le suspect se fait interpeller par l'agent Mac Donald. Il s'agite et tente de dégainer un revolver. Les policiers le maîtrisent sans ménagement. L'homme arrêté est Lee Harvey Oswald et ressemble au signalement du tueur qui a été diffusé. Il est immédiatement conduit au commissariat central de Dallas.

Trois quarts d'heure auparavant, on a trouvé, devant une fenêtre entrouverte, au coin sud-est du 5e étage du dépôt de livres, un ensemble de cartons disposés de manière à former un siège et un affût, trois douilles sur le plancher, un sachet en papier, un paquet de cigarettes et des restes de poulet. Dans le coin nord-ouest, le shérif adjoint a complété cette découverte en ramassant un fusil, derrière un lot de cartons. Il s'agit d'une arme italienne, un Mannlicher-Carcano, n° C 2766, calibre 6, 5 mm, à culasse mobile, avec une lunette de visée grossissant quatre fois.

Oswald est inculpé du meurtre de Tippit, à 19 h 10. Son meublé est à environ un kilomètre du lieu où le forfait vient d'être perpétré. On a trouvé sur lui des cartouches de calibre 38, le même calibre qui a servi à abattre l'agent. Plusieurs témoins le reconnaissent formellement. Il clame son innocence devant la meute des journalistes qui a envahi le Q.G de la police pour la conférence de presse du district attorney, Henry Wade. Il ne comprend pas ce qu'on veut de lui. Il proteste : on veut lui faire porter le chapeau ("I 'm just a patsy!": je ne suis qu'un pigeon!)

Le 23 novembre, à 1 h 35 du matin, après que les résultats de l'autopsie de Kennedy sont diffusés, Oswald est inculpé du meurtre du président. Il refuse obstinément de répondre aux questions et nie tout en bloc.

Pourtant, déjà, les preuves s'accumulent contre lui.

L'évidente culpabilité d'Oswald

Le FBI. établit que la Mannlicher-Carcano a été achetée par correspondance (pour 21, 45 $), par un dénommé "Hidell", au magasin Klein de Chicago. Cette commande, faite en mars 1963, a été expédiée à une boîte postale portant le n° 2915, à Dallas. La même boîte postale que celle d'Oswald. Des papiers au nom de "Alek Hidell" ont été retrouvés dans les poches de l'inculpé.

Une perquisition minutieuse dans la maison qu'occupe la femme d'Oswald, Marina, chez la logeuse Ruth Paine, à Irving, permet de découvrir deux photographies sur lesquelles Oswald apparaît en brandissant dans sa main le même modèle de carabine que celle abandonnée au Book Depository, avec, à la ceinture, un revolver dans son étui, qui ressemble à s'y méprendre à celui qu'il a voulu empoigner au cinéma.

Un des collègues d'Oswald, Buell Frazier, se souvient l'avoir vu, le matin du crime, apporter un long paquet brun à son travail. Lors des fouilles au dépôt de livres, ce sachet de papier a été retrouvé, au 5e étage. La conclusion se fait d'elle même : c'est cet emballage qui a permis à Oswald d'apporter le fusil démonté sur le lieu prémédité de l'attentat, au nez et à la barbe de ses collègues. L'inculpé nie à nouveau et prétend que le sachet lui aurait seulement servi à transporter "des tringles à rideau".

Par les efforts conjugués de la CIA et du FBI, on ne met pas longtemps pour exhumer le passé pro-communiste d'Oswald. Si les organisations d'extrême-gauche démentent qu'il ait été un de leurs responsables, ni même un de leurs membres, Oswald concède pourtant avoir fait partie de l'organisation pro-castriste Fair-Play for Cuba. Il en était l'unique membre sur La Nouvelle-Orléans.

L'étau se resserre autour de Lee Harvey. Le procureur Wade n'hésite pas à le désigner comme seul coupable du meurtre de Kennedy. Autorisé à voir sa femme et son frère, Oswald semble, malgré tout, assez serein.

Et de trois !

Le lendemain, 24 novembre, Oswald doit être transféré, pour des raisons de sécurité, à la prison du comté de Dallas, sur Houston Street.

Après avoir été interrogé une dernière fois dans la matinée, l'inculpé, escorté des policiers Leavelle et Graves, est conduit dans le sous-sol du commissariat. A peine s'est-il extrait de l'ascenseur qu'une horde de reporters l'assaille. Il a juste de le temps de faire quelques pas qu'un homme en costume sombre et chapeau de feutre se détache brusquement de l'assistance, un colt calibre 38 plaqué à la hanche, et lui tire un coup au ventre à bout portant. Toute la scène est filmée en direct par une équipe de télévision. Dans la plus grande confusion, Oswald est transporté à l'hôpital Parkland, l'hôpital où Kennedy a rendu son dernier souffle. Il y décède à 13 h 07 d'une hémorragie interne.

Son meurtrier est arrêté sur le champ. Il se nomme Jacob Rubenstein, alias Jack Ruby, et tient une boîte de nuit louche, le "Carousel Club", à Dallas. C'est un petit truand local, bien connu du milieu et de la police. Interrogé sur les raisons de son geste, il invoque sa haine du communisme et son désir d'épargner à Jackie Kennedy les souffrances d'un procès. Il a d'ailleurs fermé son night club le soir de la mort du président. Il apparaît comme un émotif, à l'esprit étroit.

Le lendemain, Ruby est conduit à la prison du comté, où il attendra de passer en jugement.

Pas de conspiration pour la commission

Le 29 novembre suivant, quatre jours après les obsèques de Kennedy, le nouveau président, Lyndon Johnson, décide la création d'une commission d'enquête concernant l'assassinat de son prédécesseur. Il demande au président de la Cour suprême de Justice, Earl Warren, de la diriger. Celle-ci comprend les chefs de file des deux partis de la Chambre des représentants, deux membres éminents du Sénat (un démocrate et un républicain) et deux personnalités "qualifiées" (un conseiller de Kennedy et l'ancien directeur de la CIA). Quatorze juristes de haut niveaux et douze experts les assistent; 57 équipiers prennent part aux travaux. Les travaux de la commission se font à partir des épais rapports que lui soumettent le F.B.I et le "Secret Service"; elle entendra, à huis clos, 552 témoins, dont Jack Ruby (qui sera condamné à mort en mars 1964).

Les conclusions de la "commission Warren" sont attendues avec une grande impatience.

Avant même leur publication, la commission a dû subir l'assaut de la critique. Dès l'assassinat de l'unique inculpé, beaucoup de gens ont évoqué l'hypothèse d'un complot : l'assassin n'aurait-il pas été tué pour qu'il ne dévoile pas le nom de ses commanditaires? La thèse est plausible. Un mois seulement après que les enquêtes ont commencé, l'avocat new-yorkais Mark Lane émet, lui aussi, des doutes sur la culpabilité d'Oswald. De nombreuses théories plus ou moins sérieuses circulent. L'opinion publique est à l'affût de la moindre fuite.

La rapport définitif est publié le 27 septembre 1964. Il comprend 888 pages, auxquelles sont joints 26 volumes de preuves. Il est co-signé par l'un des frères du président assassiné, Robert Kennedy, alors ministre de la Justice.

L'essentiel se résume de la façon suivante :

  • Le 22 novembre 1963, Lee Harvey Oswald a assassiné le président Kennedy;
  • Il a agi seul, en tirant trois coup de feu avec la Mannlicher-Carcano retrouvée au dépôt de livres; les experts ont relevé ses empreintes sur le dessous du canon de la carabine et sur un des cartons disposés devant la fenêtre ouverte du 5e étage.
  • Une balle a raté sa cible et a blessé légèrement James Tague, un spectateur qui se tenait près du pont ferroviaire; une deuxième balle a transpercé le dos, puis le cou du président, pour finir sa course en frappant Connally; la dernière balle, le coup mortel, a atteint Kennedy à la tête;
  • Oswald a également tué l'agent de police Tippit, avec le Smith et Wesson V 510 210 calibre 38 qu'il portait sur lui lors de son arrestation, et qu'il avait commandé, comme le fusil, au nom de "Hidell"; les douilles retrouvées sur les lieux du meurtre de Tippit en font foi;
  • Jack Ruby est le meurtrier d'Oswald;
  • Il a agi seul et de son propre chef.
Donc, tout paraît clair et les esprits n'ont plus aucune raison de s'échauffer.

De qui se moque-t-on ?

L'Amérique est-elle vraiment soulagée? Pas tout à fait. Du côté complotiste, on est éberlué par l'assurance tranquille de ces conclusions et les contestations redoublent. Il y a décidément trop de détails qui clochent. Et pour commencer, pourquoi n'y a-t-il pas eu, au sein de cette commission, de débats contradictoires, comme le réclamait Mark Lane?

Jim Garrison, le district attorney de La Nouvelle-Orléans, persuadé que la CIA a organisé un coup d'État pour éliminer un président qui gênait ses intérêts, plaide en faveur de la réouverture du dossier et mène une enquête discrète de son côté. En 1969, au cours d'un procès retentissant, durant lequel le film d'Abraham Zapruder est pour la première fois montré au public (il avait été vendu pour 150 000 dollars au magazine Time Life), il accuse l'homme d'affaires Clay Shaw, qu'il soupçonne d'être un agent de la CIA, d'avoir participé au complot, sous le pseudonyme de Clay Bertrand. Faute de preuves, Garrison sera débouté. Mais l'affaire a pris une dimension nouvelle et, grâce à lui, plus rien ne sera désormais comme avant.

Avec les années, les reproches dirigés contre le "rapport Warren" vont en s'accentuant. Une floraison de livres entretiennent l'idée d'une vaste conspiration du mensonge, aux ramifications tentaculaires. L'opinion américaine est bientôt convaincue qu'au plus haut niveau de l'État, on lui a caché l'essentiel. En 1970, d'après les sondages, deux Américains sur trois ne croient plus à la responsabilité unique d'Oswald.

Les interrogations portent sur une impressionnante quantité de points.

Les impossibles coups de feu

Tout d'abord, est-il si sûr que seulement trois coup de feu aient été tirés? La plupart des témoins (132 personnes sur 178) l'affirment, mais bien après que la police ait donné la version officielle. N'ont-ils pas été influencés?

L'arme dont s'est servi Oswald n'est pas un automatique; il doit y avoir un battement de 2,55 secondes entre chaque tir. D'après le chronométrage effectué d'après le film amateur de Zapruder, les "trois coups de feu" auraient été tirés en 5, 6 secondes, ce qui fait environ 2 secondes entre le premier et le deuxième tir et 3 secondes entre le deux derniers. Deux fois de suite -et à chaque fois en moins de trois secondes- Oswald aurait dû ouvrir le magasin en tirant le loquet, le tirer à lui, éjecter la douille, repousser et rabaisser le loquet, mettre son fusil à l'épaule, viser à 80 m de là une cible mouvante! Comment Oswald, qui était considéré comme tireur moyen lorsqu'il était marine, a-t-il pu réaliser une telle prouesse -avec une arme vieille de 23 ans? Aucun tireurs d'élite n'arriva à renouveler l'exploit.

Pourquoi a-t-il attendu, pour tirer, que la voiture s'engage sur Elm Street et s'éloigne de lui, alors qu'il était si simple de viser le président de face, sur Houston Street?

Comment est-il possible que la deuxième balle (pièce à conviction 399), celle qui a transpercé Kennedy puis blessé le gouverneur du Texas en plusieurs endroits, ait été retrouvée, sur un chariot d'hôpital (extraite de la cuisse de Connally apparemment), en parfait état? Est-il même possible qu'elle ait suivi, telle une "balle magique", le cheminement en zigzag, que la commission Warren admet sans discuter?

Sur les 178 personnes présentes sur Dealey Plaza, 21 personnes ont précisé que les coups de feu avaient été tirés du talus et 4 désignèrent le Book Depository ainsi que le talus. Le film de Zapruder montre clairement qu'une partie de la foule s'est précipitée vers le monticule, aussitôt que les détonations eurent cessées. Un agent déclara avoir vu, dans le parking situé au-delà de la palissade, un homme qui lui exhiba une carte du Secret Service : renseignement pris, aucun membre de la sécurité ne se trouvait là. Qui était cet homme et que faisait-il sur le parking? Mystère. Et d'où venait la fumée qu'un témoin dit avoir aperçu à cet endroit?

Il y a plus : sur le film de Zapruder, on voit très distinctement qu'au dernier impact de balle, Kennedy effectue un mouvement de la tête en arrière et à gauche. Si la balle provenait de derrière lui, n'aurait-il pas dû, tout naturellement, s'effondrer vers l'avant? N'est-ce pas un argument qui, à lui seul, ruine toute la théorie de la Commission Warren?

Ce n'est pas tout. A l'hôpital de Dallas, les médecins donnèrent des informations au public qui différent en tous points de celles qui furent récoltées au cours de l'autopsie pratiquée à l'hôpital naval de Bethesda. Ils constatèrent une plaie au cou comme point d'entrée d'une balle (c'est la "balle magique", tirée du Book Depository), là où l'autopsie mentionne... un point de sortie. En bonne logique, il y a forcément l'un des deux hôpitaux qui ne dit pas la vérité. Celui qui justifie la thèse officielle ou l'autre?

Pour trancher la question, le Dr Wecht voulut, en 1972, examiner le cerveau de Kennedy conservé aux archives nationales dans du formol. Il ne put y avoir accès pour une raison bien simple : le cerveau avait disparu! Aucune explication ne lui fut évidemment apportée.

Certaines photos de l'autopsie semblent avoir suivi le même chemin.

La très étrange vie de Lee Harvey

passeport de Oswald

La biographie de Lee Harvey Oswald, au lieu d'éclaircir les points sombres de l'affaire, paraît au contraire accentuer les présomptions de complot.

La commission présente Oswald comme un marxiste déclaré. Or il est extraordinaire qu'un homme manifestant si bruyamment cette idéologie ait pu s'engager en toute impunité dans le corps des marines et ait été affecté quelque temps sur la base d'Atsugi, au Japon, qui abritait un programme d'aviation secret (le programme U2).

De plus, comment expliquer le séjour qu'Oswald effectua en URSS, de 1959 à 1961, après avoir quitté les marines, où on lui avait permis de prendre des cours de russe? Comment comprendre qu'après cette escapade, en pleine guerre froide, il ait pu obtenir un visa pour rentrer en Amérique? Tout semble indiquer qu'il a bénéficié de facilités au sein de la diplomatie américaine, comme s'il était un agent de la CIA rentrant normalement de mission.

A Dallas, en 1963, Oswald se fit remarquer par les distributions de tracts qu'il fit en faveur du comité Fair-Play for Cuba, qui soutenait le régime de Fidel Castro, diabolisé par le régime. La police dut intervenir au cours d'une bagarre qui l'opposa à des militants anti-castristes, ce qui lui valut d'être invité à un débat télévisé. Garrison attire l'attention sur le fait que l'adresse de ce comité était 544 Camp Street, la même que celle de l'agence du détective privé Guy Banister, un ex du FBI, qui était, avec le pilote David Ferrie et un certain Clay Bertrand, au coeur d'une organisation anti-castriste qui s'entraînait dans des camps ouverts par la CIA, en vue d'envahir Cuba. Nouvel indice d'une collusion possible entre Oswald et la CIA.

Enfin, la commission Warren rapporte qu'un mois avant l'assassinat de Kennedy, Oswald s'était rendu au consulat de Cuba à Mexico pour obtenir un visa de transit pour l'URSS. Il était également allé à l'ambassade d'URSS pour une demande d'émigration. Mais la photographie présentée par la CIA (qui filmait alors les entrées et sorties de l'ambassade) comme étant celle de "l'Oswald de Mexico" ne correspond absolument pas aux traits de l'Oswald de Dallas... La CIA voulait-elle faire croire que Lee Harvey était toujours le traître qu'il avait été en 59?

Oswald, the patsy ?

Et si Oswald n'avait été qu'un "patsy", un bouc émissaire, comme il le proclama aux journalistes? Pour Jim Garrison, comme pour Mark Lane, Edward Epstein ou le Français Léo Sauvage, il n'a jamais tué personne.

Oswald a dit qu'il était à la cafétéria du premier étage quand s'est produit l'attentat. D'après les témoignages, il s'y trouvait, en effet, un quart d'heure avant le meurtre et, selon l'agent Baker et Truly, 1 à 2 minutes après, sans qu'il ait paru particulièrement essoufflé. Un quart d'heure, cela semble vraiment très juste pour monter au cinquième étage, y placer les cartons, consommer un morceau de poulet, tirer sur Kennedy, redescendre et, en toute décontraction, s'offrir une boisson gazeuse!

Comment ne pas s'étonner que les trois douilles de la Mannlicher Carcano aient été retrouvées alignées sur le sol?

Comment ne pas être surpris par la fulgurante rapidité (15 minutes) avec laquelle le signalement d'Oswald fut donné aux voitures en patrouille?

Comment expliquer que ses 12 heures d'interrogatoire n'aient pas été enregistrées et ne figurent sur aucun procès verbal? Et pourquoi avoir privé l'inculpé de l'assistance d'un avocat?

Comment croire aux motivations patriotiques de Ruby, un petit gangster lié à la mafia? Comment croire qu'il ait pu franchir tous les barrages de police et tuer si facilement Oswald?

Et enfin comment ne pas être saisi d'effroi par l'avalanche de morts mystérieuses qui a assombri toute l'affaire? David Ferrie, mort subitement au cours de l'enquête de Garrison, plus les treize autres "témoins assassinés" cités par Penn Jones, directeur de la revue Ramparts...

Les révisions du House Select Committe on Assassinations

Autant de questions qui semblent jeter un profond discrédit sur les résultats de la commission Warren. Le doute fut si fort, qu'il envahit jusqu'aux consciences des milieux politiques. En 1976, la Chambre des représentants décida donc la création d'un House Select Committe on Assassinations (HSCA), chargé de faire toute la lumière sur l'affaire Kennedy. Et en 1978, sous la pression de l'opinion, le FBI consentit à rendre publiques 100 000 pages de documents.

L'année suivante, le HSCA, doté de 6 millions de dollars de crédit, rendit un rapport de 7 714 pages. A la surprise générale, il osa contredire la commission Warren et il conclut à "la probabilité de l'existence d'un complot". Son appréciation se fondait essentiellement sur le résultat des analyses acoustiques faites d'après les enregistrements de la radio d'un motard de l'escorte. Ces analyses semblaient indiquer qu'il y aurait eu plusieurs tireurs (au moins deux) sur Dealey Plaza, puisqu'on y entend le bruit de quatre coups de feu, tirés en 8, 31 s, dont un face à la limousine.

La thèse du complot reconnue officiellement, l'Amérique pouvait s'estimer satisfaite, au moins en partie, puisque si on ne lui avait pas révélé, comme elle l'espérait, les noms des vrais coupables, il était tout de même admis par une autorité éminente qu'on lui avait menti pendant plus de 15 ans...

Pourtant, ce second rapport eut à affronter, comme son prédécesseur -mais à rebours- le tir groupé de quelques critiques impartiaux.

Ainsi le motard, dont on pensait que les bruits enregistrés venaient du récepteur, nia fermement que la bande magnétique ait reproduit le son de sa radio. Sur cet enregistrement, on n'entend les sirènes de police que deux minutes après les quatre "détonations" supposément révélatrices. Or c'est beaucoup trop tard, puisque leur déclenchement se fit immédiatement après le tir. On n'y entend pas non plus -et on se demande bien pourquoi- le bruit de l'accélération des véhicules qui suivit les détonations.

Les bandes magnétiques auraient donc enregistré des bruits que le comité a pu prendre pour des coups de feu -mais qui étaient en fait tout autre chose...

Et si tel est le cas -comme l'a confirmé l'Académie nationale des sciences en 1982-, la conclusion de la HSCA s'écroule instantanément, avec la seule preuve matérielle du complot. Doute, quand tu nous tiens!

A bien l'observer, la thèse de l'HSCA n'expliquait d'ailleurs pas grand chose, puisqu'elle prétendait que le "tireur du talus", celui qui serait à l'origine de la quatrième balle... n'avait pas atteint Kennedy! Il n'est donc pas interdit de se demander si cette seconde commission, composée de parlementaires, n'a pas cédé à ce penchant naturel de certains députés... qu'on appelle la démagogie. N'abondait-elle pas abusivement dans le sens des sondages? Quelle aurait été l'attitude de l'opinion si on lui avait appris que 6 millions de dollars avaient été dépensés en pur perte?

Huit ans plus tard, le ministère de la Justice reviendra sur les conclusions du HSCA, en déclarant qu'il n'existe "aucune preuve" qui permette de soutenir la thèse du complot.

Le retour de Warren !

C'est alors que le rapport Warren refait surface. Virage à 180 degrés toute!

Lassés d'attendre les "preuves définitives" du complot qu'on leur promet depuis tant d'années, rendus sceptiques par les abus de la propagande complotiste, quelques chercheurs décident de tout reprendre à zéro et d'envisager franchement toutes les possibilités, y compris celles qui ne bénéficient pas de l'assentiment populaire. Les "dissidents" ayant failli, ils n'éprouvent plus aucune honte à entreprendre la réhabilitation de la Commission Warren, avec son Oswald comme tireur unique. En 1980, en France, Armand Moss publie un excellent ouvrage qui analyse finement le profil psychologique d'Oswald et son ascension vers la folie du meurtre. En 1993, le jeune juriste Gérald Posner, publie, aux États-Unis, un best-seller intitulé Case Closed (Affaire Classée), qui a fait enrager les supporters de Garrison et d'Oliver Stone et qui aboutit aux mêmes conclusions.

Contrairement aux idées reçues, cette thèse à rebrousse-poil, audacieuse pour qui s'en tient aux idées couramment colportées, est dans le fond la plus convain cante qui soit.

Elle l'est d'autant plus que ses promoteurs n'entendent se fonder que sur les faits, laissant les hypothèses et les affirmations gratuites aux amateurs de romans d'espionnage lancés dans le journalisme, qui, dès qu'il n'arrivent pas à comprendre un comportement inhabituel ou un événement a priori étrange, se sentent obligés d'imaginer qu'un complot fantôme qui en fournirait l'explication suprême.

Armand Moss a par exemple démontré que sur les 13 "témoins assassinés", aucun n'avait été témoin de quoi que se soit et que seulement deux d'entre eux avaient réellement péri de façon non naturelle.

Les négligences dans la brigade criminelle de Dallas? Il y en eut, c'est certain. L'assassinat de trois hommes en 48 heures, dont un président des États-Unis, en constitue sans doute la preuve la plus puissamment suggestive. Mais il y a un fossé entre des erreurs administratives et le meurtre planifié d'un président. Ou bien il faudrait concevoir qu'elle ait elle-même fait partie du complot? Cela ne commencerait-il à faire beaucoup de circonvenus, un peu trop pour un "complot secret"?

Que la CIA ait pris peur, n'ait guère collaboré aux enquêtes parallèles, qu'elle ait mis des bâtons dans les roues de Garrison, c'est également probable, sinon absolument certain. Mais ce n'est guère surprenant, vu l'attitude de Garrison à son égard, et cela ne prouve pas qu'elle voulait cacher la vérité sur l'assassinat de Kennedy. L'Agence craignait à juste titre que le district attorney de la Nouvelle Orléans découvrît qu'elle utilisait des éléments mafieux pour renverser Fidel Castro (opération Mangouste). Et que l'on y songe : ne risquait-on pas une déflagration mondiale, au cas où l'on découvrirait des liens entre Oswald et les services secrets soviétiques?

Les conclusions contradictoires des hôpitaux? Elles existent, c'est certain. Mais elles peuvent parfaitement s'expliquer par le fait qu'à Dallas, on n'avait pas retourné le corps du président. La confusion entre entrée et sortie (de balle) est parfaitement envisageable, d'autant plus que l'orifice de sortie de la balle ressemblait à s'y méprendre à une blessure d'entrée. Les photos de l'autopsie furent examinées par des experts indépendants et confirmèrent les conclusions des légistes de Bethesda. Elle sont conservées, ainsi que les radiographies, aux Archives nationales et sont accessibles à tous depuis 1988. Est-on sûr, en revanche, que le cerveau de Kennedy y ait jamais été versé?

Le grand libérateur "Oswaldskovich"

Le fait qu'Oswald ait été marxiste et marine (pendant trois ans) peut parfaitement s'expliquer sans nécessairement qu'il ait été bombardé "agent de la CIA".

Individualiste, Oswald n'appartenait à aucun parti. Prudent, il ne se livrait qu'en privé : selon ses amis d'alors, il se rêvait futur Castro, grand libérateur des peuples; il refaisait le monde à coup de citations puisées dans le Manifeste du Parti communiste. Ses camarades marines, connaissant ses opinions au goût d'interdit l'avaient surnommé, pour s'en moquer, "Oswaldskovich". Pour eux, son comportement et ses idées étaient un jeu, une manière de se distinguer, sans plus.

Dyslexique, asocial, mais intelligent, relativement cultivé et surtout bourré d'orgueil, Oswald pensait en fait que c'est lui qui infiltrait les autres, pour son propre compte.

Par ailleurs, il n'était pas si mauvais tireur qu'on le pense, comme le montrent les résultats des concours qu'il a passés, et il n'avait absolument pas accès au programme secret U2, contrairement à ce que disent les complotistes.

Son départ pour l'URSS en 1959 et son retour aux USA trois ans plus tard, pour étonnants qu'ils paraissent, n'exigent pas non plus qu'il ait appartenu à l'Agence. Le "Journal historique" qu'il a rédigé pour s'expliquer sur cette période prouve abondamment que ses motivations étaient bien différentes : autodidacte dans l'âme, il voulait simplement passer des diplômes gratuitement et arriver à percer dans un pays égalitaire. S'il revint précipitamment aux USA (marié à une russe : Marina), c'est uniquement parce qu'il était terriblement déçu par le régime soviétique, qui ne lui avait offert qu'un poste d'ouvrier dans une usine de province (Minsk). Il fut entendu à deux reprises par le FBI, pour savoir s'il n'était pas un agent soviétique. L'affaire fut classée.

Était-il pour autant incapable de faire du mal à une mouche? A une mouche peut-être, mais pas aux militaires, puisqu'il tenta (sans succès) d'assassiner le général Edwin Walker, leader d'un groupuscule d'extrême-droite... 8 mois avant l'assassinat de Kennedy! Le fait fut confirmé et jamais démenti par sa femme Marina. On retrouva des photos de la maison de Walker dans le garage d'Oswald. Quelque temps après, Lee Harvey décidait de détourner un avion! Les complotistes semblent trop souvent oublier ces petits détails bien gênants pour leur version.

A la Nouvelle-Orléans, Oswald fréquenta effectivement des anti-castristes, bien que lui-même fut un castriste forcené, mais ce fut toujours dans l'optique de son double-jeu de mythomane. Il y a toujours eu du Hidell dans Oswald et de l'Oswald dans l'Hidell! Les militants se rendirent compte qu'il leur mentait et ce fut la cause d'une bagarre de rue qui valut à l'agitateur une petite renommé locale. Le FBI et la CIA s'intéressèrent naturellement à ses activités, mais ce ne furent pas ces organisations qui les dirigèrent.

L'attitude qu'on lui prête au Book Depository, aussi incohérente qu'elle paraisse, n'en ait pas moins tout à fait possible. Le poulet a été mangé par un de ses collègues, quelques instants plus tôt. Posner a refait la chronologie serrée des événements : Oswald eut tout loisir de tirer dans un local déserté pour le déjeuner. Le fait qu'il ait rapidement repris son souffle après la descente de 4 étages en une minute, comme l'a constaté l'agent Baker, doit-il être considéré comme un miracle, hors de toute norme physique? Sans doute pas.

Quant aux coups de feu que quelques rares témoins croient avoir entendu derrière le talus, ne seraient-ils pas simplement dû à l'écho? La résonance des balles était-elle un phénomène si peu commun que les complotistes évitent systématiquement de l'envisager? Du reste, la "fumée" du fusil n'a été vue que par un seul témoin, ce qui est vraiment trop peu pour l'authentifier.

Balle magique ou balle tragique ?

Restent les tirs. Les tirs, tout le monde est d'accord, sont le noeud de l'affaire. Le noeud défait, c'est l'affaire qui est éclaircie. S'il y a deux tireurs, le complot est établi. S'il n'y en a qu'un, la probabilité qu'il y ait eu conspiration retombe au niveau zéro.

Or toutes les investigations menées depuis les années 70 ont confirmé sur ce point celles de la commission Warren, et renforcé, par ricochet, la thèse du tireur solitaire.

Gérald Posner a montré que le film d'Abe Zapruder avait été incorrectement exploité. Entre le premier et le deuxième tir, il se passe 4 secondes et entre le deuxième tir et le troisième, 5 secondes. Soit, en tout, entre les cadres 160 et 313, 9 secondes. 9 secondes pour 3 tirs, le premier à 50 m, le dernier à 80 m : c'est presque le double du temps accordé à Oswald par Garrison et les amateurs de complot! Le temps de réarmer et de reprendre la ligne de tir.

Point d'entree...trace de sortie de la deuxieme balle

Quatre secondes après son premier tir, qui a raté, Oswald appuie à nouveau sur la gâchette. Cette balle atteint Kennedy et frôle les vertèbres cervicales C6 et C7. N'ayant frappé aucun os, elle ressort au niveau du noeud de cravate, stimulant le plexus brachial et faisant esquisser au président un mouvement réflexe du bras droit vers le haut, comme on le constate sur le cadre 225. Légèrement déviée, elle frappe alors le gouverneur Connally dans le côté droit du dos, lui brise une côte, dévie à nouveau, sort sous son sein droit, traverse son poignet droit et termine sa course dans sa cuisse gauche.

L'incroyable trajet du projectile, assorti d'une photo le montrant quasiment intact, est difficile à admettre au premier abord. Le bon sens semble être du côté de Garrison. Mais, en science, comme en histoire, il faut se méfier de ce "bon sens" qui paraît si évident. Cette balle (la célèbre "balle magique") a, plus que n'importe quel autre argument, frappé les imaginations et contribué à faire peser les soupçons sur les conclusions de la commission de 1964. Mais, en 1978, les analyses par activation de neutrons ont prouvé que les fragments de plomb recueillis dans les blessures du gouverneur étaient bien ceux qui avaient été expulsés de la "balle magique". Et l'analyse balistique du projectile a montré qu'il avait bien été tiré par la Mannlicher Carcano d'Oswald. Le (très prudent) HSCA a entériné ces résultats. Qui peut les remettre en cause?

crane eclate

La polémique autour du dernier tir ne semble à son tour plus justifiée. Le mouvement de tête de Kennedy "vers l'arrière et à gauche" est parfaitement explicable, contrairement à ce qu'on nous dit généralement. Comme le démontre la reconstitution faite sur un mannequin, une telle propulsion provient de l'éjection de la substance cérébrale et de morceaux de crâne, provoquée par l'explosion à l'avant droit de la balle entrée à l'arrière du crâne. Les photos de l'autopsie montrent sans contestation possible cette plaie d'entrée, de forme elliptique, au-dessus de la protubérance occipitale externe.

Premier enquêteur médical indépendant autorisé à réétudier le dossier d'autopsie, le Dr John Lattimer, de la Faculté de médecine de Columbia, a expliqué ce rejet de tête vers l'arrière, en démontrant que le premier mouvement de tête de Kennedy, lors de ce troisième coup de feu, fut en réalité... vers l'avant. Ce premier mouvement, s'il n'est pas aussi visuel que celui qui suivit, n'en ait pas moins authentique. Un tel mouvement prouve que le tir fut effectué de l'arrière. Si le projectile était entré par l'avant, il y aurait d'ailleurs eu des blessures de sortie sur l'arrière du crâne -et elles sont introuvables sur les photos d'autopsie.

Bref, peut-on encore croire en l'innocence du suspect numéro un?

Même si cette thèse n'est pas populaire, il faut répondre non.

Et le coupable est...

Alors? Tiendrait-on enfin la clé de l'énigme? Lee Harvey Oswald aurait tiré seul, tout à fait seul, sous l'emprise d'une violence qu'il n'arrivait plus à contenir, ou par idéologie, ou bien pour entrer dans l'Histoire, comme Érostrate, en détruisant une idole?

Compte tenu de ce que nous venons de voir, compte tenu des multiples "preuves immédiates" qui ont été recueillies dans les heures qui ont suivi l'arrestation, sa culpabilité, effectivement, ne fait plus aucun doute. Les quelques "indices" qui restent à la thèse adverse, indices exclusivement fondés sur des témoignages (et l'on sait jusqu'à quelle torsion des faits ils peuvent conduire), ne sont pas rédhibitoires. On ne peut évidemment exclure tout à fait qu'Oswald ait été manipulé, ou qu'il ait participé de son plein gré à une opération manigancée par d'autres, CIA, Mafia et/ou anti-castristes, même si l'on n'a plus guère de raison d'y croire -mais on ne peut non plus nier sérieusement que c'est bien lui qui a tiré, dans les deux cas.

Ceci posé, tout a-t-il été dit?

Bien intrépide celui qui l'affirmerait. Dans des affaires, où tant d'intérêts supérieurs entrent en jeu, il serait étonnant qu'il n'y ait pas quelque secret qui ait été dissimulé. Si la CIA et le FBI étaient composés d'enfants de choeur, ça se saurait! Pour le plaisir de l'enquêteur, espérons que l'avenir nous réserve encore quelques belles surprises!

Paul-Éric Blanrue

Les lecteurs intéressés par cette affaire consulteront avec profit le meilleur site internet, celui de McAdams, sur la question.


Hors-texte :

JFK selon Oliver Stone

Censé raconter les dessous de l'affaire Kennedy, le film d'Oliver Stone "JFK" sort en décembre 1991 aux USA. Immédiatement, il provoque le tollé. Si le public, qui dans sa grande majorité ne croit pas au rapport Warren, réagit bien (9 millions d'entrées dès les premiers mois d'exploitation), la polémique fait rage dans la presse, entre les partisans de Garrison (c'est en partie sur son livre, On the trail of the Assassins, que repose le film) et les sceptiques (le Washington Post, le Time, CBS, le Chicago Tribune...). On reproche notamment à Stone de n'avoir retenu que les faits qui l'arrangeaient, en prétextant l'objectivité, d'avoir commis des erreurs chronologiques, d'avoir mélangé des images d'archives et des reconstitutions cinématographiques, de continuer à faire porter l'accusation sur une personne décédée (Clay Shaw) qui a été lavée, au cours d'un procès, des soupçons qui pesaient sur elle. On va même jusqu'à s'offusquer de la longueur du film (3 heures).

La critique la plus pertinente qu'on lui ait fait porte sur le "mobile du crime" qu'il affiche : la guerre du Vietnam.

En fait, rien ne permet de dire que Kennedy voulait retirer les 16 000 "conseillers" américains envoyés au Vietnam, ni qu'il avait décidé de laisser tomber le régime de Saïgon. Et si tel était le cas, était-ce une raison suffisante pour l'éliminer physiquement? Son successeur Johnson refusa bien d'envoyer au Vietnam les 200 000 hommes supplémentaires que lui demandait le général Westmoreland et il ne fut pas assassiné.

Malgré ses faiblesses et ses trop nombreuses inexactitudes, "JFK" reste, sur le plan strictement cinématographique, un "thriller" qui se regarde avec un plaisir gourmand. Tommy Lee Jones, en Clay Shaw, et Joe Pesci, en Dave Ferrie, sont plus vrais que nature. Si Kevin Kostner ne ressemble guère à son modèle, Jim Garrison, on a néanmoins le plaisir d'y retrouver l'ancien district attorney (mort quelques mois plus tard), sous les traits... d'Earl Warren, son pire ennemi!

Finalement, pourquoi demander à un film de respecter à la lettre la vérité historique? Stone lui-même a admis avoir forcé la dose, pour provoquer une prise de conscience populaire. N'est-ce pas le droit le plus élémentaire de tout artiste?

PEB


Rien de neuf à Dallas

Il y a 35 ans, le 22 novembre 1963, le Président Kennedy était assassiné à Dallas. Pour commémorer le tragique événement, un livre vient de paraître aux éditions Flammarion (les éditions de Trottinette et de l'Encorné): JFK, autopsie d'un crime d'État. Son auteur : William Reymond, un journaliste français qui s'est déjà illustré en " revisitant " l'affaire Dominici.

Autant le dire d'emblée, ce livre est consternant.

Reymond ne se contente pas d'y défendre la thèse à la mode, celle de la conspiration, il accomplit le tour de force de fondre en un seul livre, la plupart des thèses conspirationnistes qui ont cours outre-Atlantique. Alchimie qui ne transforme pas ces presque 500 pages en un cocktail explosif, comme espéré par le lecteur, mais plutôt en bouillie indigeste.

Selon le journaliste, c'est bien simple, ils sont tous coupables, ils ont tous participé de près ou de loin à l'élaboration, à la mise en oeuvre du complot assassin et à la disparition subséquente des " preuves ". " Ils " : des extrémistes cubains anti-castristes, des membres marginaux de la CIA, des membres du Secret Service, du DPD, d'anciens tueurs de l'OAS, le FBI, la police de Dallas, des compagnons de route de la mafia, des milliardaires texans, le propriétaire du Texas School Book Depository, l'agent Tippit, le futur président Lyndon Johnson, le gouverneur Connally...! Le point commun des tueurs : la " haine viscérale du communisme " -ou plutôt, écrit Reymond : le " fascisme ". Pardi!

Pour Reymond, toutes les pièces du dossier ont été truquées. Les photos montrant Oswald posant sa MC en main, les photos de l'autopsie, les radiographies, le corps même du Président ont été maquillées. Le film de Zapruder (celui que nous connaissons tous et qui a fait le succès de Garrison) a été trafiqué. Le " journal intime " d'Oswald est un faux. Les complotistes étaient infiltrés partout. Ils avaient la haute main sur tout. Point d'orgue du livre : Oswald lui-même n'a pas vraiment existé! Ou plutôt, ils étaient deux, depuis leurs naissances (Lee Oswald de Forth Worth et Harvey Oswald de New York). Par la suite, ils se sont démultipliés, pour que nous n'y comprenions plus rien -sauf, bien sûr, Reymond, qui a l'oeil! L'aigle nous assène d'ailleurs que l'homme enterré sous le nom d'Oswald n'est pas le vrai Lee Harvey... bien que les analyses effectuées sur le corps exhumé aient prouvé le contraire.

La pierre angulaire de l'édifice : les témoignages, des tonnes de témoignages, une avalanche de témoignages! Pris pour argent comptant lorsqu'ils entrent dans le jeu complotiste, dédaignés lorsqu'ils l'infirment, soigneusement sélectionnés lorsqu'ils permettent un " effet " avantageux. Un exemple, la première " preuve " de complot brandie par Reymond. Mise en présence des photos montrant Oswald avec les armes qui ont servi aux meurtres de Kennedy et de l'agent Tippit, la femme du " tueur présumé ", Marina, les reconnaît et affirme les avoir prises elle-même. Gênant, puisque ces photos accréditent qu'Oswald possédait bien les armes du crime. Pour contrer ce fait dérangeant, Reymond reprend l'argumentation complotiste traditionnelle : Marina a dû céder aux pressions exercées par les officiels, car, Soviétique d'origine, elle craignait d'être renvoyée dans son pays. Seul problème, non évoqué par l'auteur : Marina continue aujourd'hui, alors même qu'elle ne croit plus à la culpabilité de son défunt mari, alors que manifestement elle ne risque plus d'être expatriée, de revendiquer ces prises de vue. Ce qui ruine irrémédiablement toute la démonstration précédente. Pour faire bonne mesure, Reymond a également été obligé de " taire " le fait que les analyses faites sur ces clichés prouvaient qu'ils étaient absolument authentiques et non retouchés, contrairement à l'idée habilement répandue par les " chercheurs indépendants ". Des omissions, des approximations de ce genre courent par centaines dans le livre de Reymond.

Hypercritique avec la thèse de la Commission Warren (" l'hypercriticisme étant à la critique ce que la finasserie est à la finesse ", comme disaient Langlois et Seignobos), Reymond se révèle étrangement souple avec les contradictions des témoins qu'il cite à la barre. Citant les quelques rares personnes qui ont cru entendre des tirs provenant du Grassy Knoll, il " oublie " par exemple que l'énorme majorité des témoins a désigné le Book Depository. Un témoin affirme qu'il a vu Oswald à un stand de tir, alors que le même jour, à la même heure, ce dernier se trouvait en famille? Rien de plus normal, pour le sagace Reymond : il y a eu embauche d'un sosie! Mis devant des impossiblités physiques radicales (bilocation), il préfère accumuler les Oswald, plutôt que d'envisager l'éventualité que des gens se soient trompés ou aient menti. Pour lui, d'ailleurs, un témoignage produit 20 ans après les faits est aussi valable que celui enregistré dans les jours suivants. Jamais, le journaliste ne s'étonne des précisions et des détails qui apparaissent avec le temps. Jamais, il ne se demande ce qui peut pousser des gens à agrémenter leurs récits d'enjolivements divers (c'est pourtant le b-a ba de la critique de témoignages). Une danseuses du Carrousel prétend que, deux semaines avant l'assassinat, Ruby lui a présenté Oswald en lui disant : " Voici Lee Oswald de la CIA ". Et il faut la croire! Car les seuls qui mentent, ce sont, toujours, quoi qu'ils fassent, les " autres ", les méchants!

Un peu facile!

Côté matériel, la situation est aussi critique. Évoquant plus d'une dizaine de fois l'existence de photos confondantes pour la " thèse officielle ", le journaliste est incapable d'en produire une seule qui emporte l'adhésion. Pour cause, il suffit de les regarder attentivement (dans les livres où Reymond va les dénicher, celui de Groden entre autres) pour s'apercevoir que ces documents ne valent rien, que les " évidences " alléguées n'en sont pas, que les agrandissements des pseudo-tueurs sont tout sauf convaincantes. Ce n'est pas un hasard si Reymond n'a pas osé les produire! Résultat, son dossier iconographique est inconsistant : sur les quelques malheureuses photos qu'il présente, il ne se rend pas compte que si les visages d'Oswald semblent parfois différer, c'est tout simplement à cause... de l'angle de la prise de vue! Il a beau jeu d'expliquer que les photos d'autopsie divergent, et qu'elles contredisent les radios... alors qu'un panel d'experts a démontré que les unes et les autres étaient parfaitement authentiques! (ce dont le lecteur ne sera pas tenu informé).

La seule photo truquée du livre est en fin de compte celle de la couverture!

Le plus grave est peut-être d'avoir emprunté à Lifton, sur un chapitre entier (" La Grande manipulation "), une thèse tellement abracadabrante (le maquillage du corps de Kennedy dans Air Force One), que son auteur lui-même a été contraint de la désavouer! (ce que personne ne saura non plus). Passons.

Une chose est certaine : tout ceci n'est pas très professionnel, ni très " déontologique ", pour employer un mot à la mode. Ces erreurs et ces torsions de faits s'expliquent peut-être parce que, malgré les apparences, Reymond n'a quasiment mené aucune enquête personnelle. Il est allé à Dallas? Peut-être. Mais pour y faire quoi? Pour copier-coller les livres complotistes américains (pratique qui explique sans doute que les documents présentés ne soient quasiment jamais référencés), le déplacement ne valait pas la peine.

Bref, le livre de Reymond, qui n'apporte aucune nouveauté, aucune originalité, et n'offre aucun recul par rapport aux délires complotistes classiques, est la meilleure preuve qu'il n'y a rien de neuf sous le soleil fatigué d'Elm Street.

Paul-Éric Blanrue.


Ajout de novembre 2003

William Reymond vient de sortir un second livre sur JFK, cosigné par Billie Sol Estes, notoire escroc texan : "JFK, le dernier témoin", Flammarion, 2003, qui se présente modestement comme "l'ouvrage définitif sur la plus grande affaire du XXe siècle". Vu les circonstances, il aurait été préférable de le sous-titrer : "Le dernier des pourris" ou encore "Le dernier des menteurs". On aimerait notamment savoir combien le milliardaire déchu a croqué dans l'affaire. Pour une critique approfondie de ce livre pitoyable qui a fait l'objet d'une couverture médiatique à la limite de l'indécence, voir cette page écrite par François Carlier.

Côté complotiste, on lui préfèrera largement les excellents romans noirs du non moins excellent James Ellroy : "American tabloïd" et "American Death Trip", aux éditions Rivage/Noir. Avec lui au moins, il n'y a pas tromperie sur la marchandise : on est averti que c'est de la fiction !