L'OVNI des Ardennes Charleville-Mézières, août 1998 par Augustin Vidovic, du Cercle Zététique d'Île-de-France, François Carlier, du Cercle Zététique du Nord, et Éric Maillot, du Cercle Zététique. Vous pouvez réagir à ce dossier dans son forum en ligne associé.

Rappel des faits

Le jeudi 13 août 1998, plusieurs chaînes de télévision rapportent qu'un OVNI aurait été observé en début de semaine dans les Ardennes, à plusieurs reprises, entre 0h et 2h du matin, pas loin de Charleville-Mézières, par 150 témoins, dont deux vidéastes amateurs qui auraient filmé l'objet au camescope. Le film, d'une dizaine de secondes, est même diffusé sur les ondes : il est d'assez mauvaise qualité, car affecté d'un fort "bougé", mais on peut y voir la plupart du temps trois points lumineux, disposés en triangle : deux points blancs très lumineux, comme des phares, et entre les deux une lumière rouge qui clignote environ toutes les secondes. Cela fait bien sûr immédiatement penser aux phares d'un avion et à son feu clignotant anti-collision, placé à l'avant, d'autant que tout au long de la séquence, on peut voir que l'objet se rapproche des spectateurs, et la bande son, que nous pourrons entendre par la suite, permet de retrouver un phénomène classique : le bruit d'un avion qui s'approche ne se fait entendre que sur le tard, quand l'avion est à la verticale de l'observateur.

Ce n'est pas tout : les téléspectateurs font la connaissance, par l'intermédiaire d'une interview, d'une association appelée "Centre d'études OVNI France", basée à Charleville-Mézières, dont le responsable, Jean-Luc Lemaire, présente un schéma de ce qu'il pense que l'objet était : une sorte d'avion triangulaire. Il décrit l'objet : "L'appareil, gros triangle aux bords arrondis avec une pointe tournée dans le sens de la marche, possède deux points lumineux rouges à l'arrière et un gros blanc à l'avant. Ces lumières ne clignotent pas.". Le schéma, dessiné sur un écran d'ordinateur, montre deux éclairs stylisés sortant des "réacteurs" de l'appareil. M. Lemaire précise : "Ce n'étaient pas des flammes, cela ressemblait plutôt à des traînées de condensation, comme pour un avion de ligne". A noter : nous n'avons pas pu retrouver ces fameuses traînées sur le film... M. Lemaire, qui pourtant n'était pas témoin direct de l'événement, doit avoir une bonne vue ou une copie de meilleure qualité du film.

l'enquête

Un OVNI observé par 150 personnes, un film d'amateur permettant de l'apercevoir, un "centre d'études" sur le coup, voilà qui fait sérieux, et la machinerie médiatique met en route son processus d'amplification...

Les media, nous les avons contactés. Le chef de la rédaction de Canal+, qui n'a fait qu'une brève sur le sujet, admet honnêtement s'être contenté de répercuter une dépêche de l'AFP.

Le journaliste de TF1, Philippe Levasseur, refuse de donner ses sources, mais parle de 250 témoins, recensés par "le centre d'observation" (en fait, OVNI France, bien qu'il refuse de donner ses sources). Il serait selon ses dires allé sur place, et, interrogé sur ce point, affirme avoir consulté les radars aériens. Lesquels ? On n'en saura pas plus : il affirme que ses sources de ce côté sont "encore plus confidentielles". Voilà un journaliste dynamique, si ce qu'il nous a dit est vrai, n'est-ce pas ?

Mais au fait, d'où vient toute l'information ? Après enquête, il apparaît que les media ont repris les dépêches de l'AFP, qui provenaient du bureau de Lille, et dont la source était... Jean-Luc Lemaire, de OVNI France !

Dans le même temps, le Cercle Zététique décide de s'intéresser à ce cas, et commence par examiner les informations disponibles :

• Un film d'amateur d'une dizaine de secondes. Ce film aurait été remis à M. Lemaire par les deux jeunes cinéastes qui l'ont tourné. Ces deux personnes sont ardennaises et ne connaissaient pas M. Lemaire avant ce jour. Contacté, M. Lemaire ne pourra nous en dire plus, et nous ne pourrons enquêter directement auprès d'eux.

• 150 témoins, selon M. Lemaire, qui portera leur total, quelques jours plus tard, à 280 ! Interrogé sur ce point, M. Lemaire admettra que ces 280 témoins correspondent en fait à 120 témoignages, certains témoignages émanant de groupes de personnes, ce qui lui permet de monter l'addition. M. Lemaire a-t-il enquêté auprès de ces témoins ? Une semaine après les faits, il avoue n'avoir enquêté qu'auprès de 5 témoins seulement, mais "sur le terrain", par enquêteurs interposés. Des témoins qui semblent s'être adressés directement à lui, puisqu'on ne parvient pas à trouver trace de leurs dépositions en gendarmerie, la plupart du temps.

  Exemple : une centaine de témoignages proviendraient de la seule commune de Mazerny près de Charleville-Mézières. Il faut savoir que c'est à peu de choses près le chiffre de la population de cette commune. M. Lemaire, qui rapporte cette information à l'AFP de Lille, est très précis : "Il y avait un feu d'artifice dans la commune, et les spectateurs du feu d'artifice ont tourné le dos au spectacle pour contempler ce drôle d'avion". Bigre ! Il devait être énorme ! Nous essayons bien entendu d'en savoir plus auprès de la gendarmerie qui est en charge de la commune de Mazerny... Apparemment, les témoins ont préféré s'adresser à OVNI France, puisqu'aucun d'eux n'a déposé en gendarmerie. Il y a bien une déposition, une seule, mais elle n'émane pas d'un habitant de Mazerny, et date de deux jours après l'observation supposée... Et après le tapage médiatique qui s'ensuivit.

  M. Lemaire, interrogé sur cette lacune, affirme qu'il y a des gendarmeries où ont été déposés des témoignages, mais refuse de dire lesquelles, "pour des raisons de fonctionnement interne du Centre d'Etudes".

  Finalement, nous contactons directement plusieurs habitants de Mazerny pour leur demander ce qu'ils en pensent... Beaucoup n'ont rien vu, et n'ont pas entendu parler de cet incident. En grattant bien, nous tombons sur un petit groupe d'habitants qui ont bien vu quelque chose vers minuit ce soir-là, à l'occasion du feu d'artifice de la fête du village. Mme R. raconte qu'effectivement, avec quelques amis, ils ont aperçu ce qu'ils ont identifié comme un avion, avec des feux clignotants jaunes et oranges, mais ils ne s'en sont pas formalisés, pensant qu'il devait s'agir d'un de ces avions militaires qui passent très souvent au dessus de la région, en faisant même trembler les vitres des maisons. Au fait... M. Lemaire n'avait-il pas dit au sujet de "son" OVNI que ses feux ne clignotaient pas ?

• Un OVNI qui volait lentement à basse altitude, ou à très haute altitude : M. Lemaire avoue qu'il a pu effectuer deux estimations de l'altitude de l'objet, selon des méthodes qu'il a gardées pour lui, et que l'une d'elle donne une très haute altitude, tandis que l'autre donne une basse altitude... Voilà qui laisse de la... latitude.
• M. Lemaire a-t-il cherché à consulter les radars aériens ? Interrogé, il est catégorique : Oui. Militaires et civils, et rien ne concorde. Lesquels ? Il est beaucoup plus évasif dans un premier temps, puis affirmera qu'en fait, c'est un de ses collègues qui l'a fait. Il refusera d'en dire plus, pour des raisons de confidentialité assez peu compréhensibles.

Conclusion

Un OVNI ressemblant furieusement à un simple avion, visible uniquement sur un film de 10 secondes d'origine invérifiable, aux feux à la fois clignotants et non clignotants, volant à la fois à haute et basse altitude, se dirigeant à la fois vers l'Est et vers l'Ouest (selon les témoignages), des témoins le plus souvent introuvables, un personnage omniprésent sur cette affaire, bien que n'étant pas un témoin direct, et source unique des informations parvenues à l'AFP, voilà un dossier qui semble plutôt léger... ou plutôt lourd, selon le point de vue.

Un mois après... Les derniers rebondissements.

Ayant été à Floing en fin de soirée, deux personnes ont pu constater, dans la direction exacte où fut filmé l'ovni, l'existence d'un couloir aérien qui passe au dessus de Floing (plus à gauche des témoins, situés eux à la mairie). Deux avions se sont d'ailleurs croisés visuellement dans ce couloir. Le secteur sedanais se situe au croisement de plusieurs autres couloirs orientés différemment qui entourent le village (ex: ligne Metz-Lille).

Il a été constaté que le bruit d'un avion volant assez bas pour voir ses feux rouges fixes (couleur difficilement visible au delà d'une certaine distance) est à peine audible sur la vidéo alors qu'il était net à l'oreille au survol. En revanche des bruits puissants ressemblants à ceux d'avions en approche ou en éloignement ont été entendus et enregistrés. Ce sont ceux des véhicules (auto, camions et scooter) qui passent assez fréquemment dans le village que l'on peut confondre s'ils passent à une certaine distance. Il reste donc à démontrer que le bruit de l'ovni est bien son bruit et pas celui d'un véhicule (ni d'un avion tant qu'à faire)! Ceci n'a pas été vérifié par analyse comparative des fréquences, mais reste à faire.

Jean Luc Lemaire a déclaré sur Radio France Champagne et lors d'une de ses conférences à Vouziers que "suite à des analyses images par images de la vidéo faites par des scientifiques et spécialistes vidéo d'UFOCOM", il était en mesure de dire "qu'un seul feu à éclat était conventionnel (celui du haut)" et que "sa fréquence était de 1/25 images". Il affirme aussi que "des jets de lumières jaillissent sous les deux phares et qu'il pourrait s'agir de jets stabilisateurs en bout d'aile d'un drone d'un type nouveau". Ce drone aurait été testé, tous "feux allumés pour voir la réaction de la population" et "au dessus des Ardennes pour la ressemblance du relief avec celui du Kosovo". Ce drone aurait été utilisé/guidé depuis le camp de Sissonne selon de prétendus informateurs militaires anonymes qui se seraient confiés à M.Lemaire. Il considère désormais que deux explications sont possibles "50% un ovni, 50% un drone"!

Un simple examen sur un magnétoscope 3 têtes de qualité des vidéos diffusées sur les chaines TV par J.Luc Lemaire permet de voir qu'il existe 3 feux fixes et trois feux à éclats totalement conventionnels dont la pulsation est de 1/31 images. Lors de sa conférence, J.Luc Lemaire, gêné, a refusé que cette démonstration soit refaite devant le public sous prétexte que ma cassette (avec les enregistrements TV de son ovni) n'avait pas été analysée et retraitée par les experts d'UFOCOM... et que l'on y verrait rien. Un bon gag!

UFOCOM se démarque visiblement des affirmations, déductions et supputations de J.luc Lemaire et penche fort raisonnablement pour un "objet volant conventionnel non identifié".

Les militaires du 7ème RA nient toute utilisation de drone hors des camps militaires prévus pour ce faire (Canjuers, Mourmelon, Suippe), de plus le camp de Sissonne était fermé en juillet et août.

Cet ovni serait venu de Monaco en passant par Dijon et Troyes pour venir tourner plusieurs fois lentement et en tous sens autour de plusieurs villages (37 !) ardennais, tout ceci en 2 heures! Non sens temporel et effet dramatique utilisé dans les mauvais films fantastiques ou d'horreur (le monstre avance à pas lent mais rattrape des dizaines de victimes qui courent)

Durant ces deux heures, un seul et même témoin ardennais, que J.luc Lemaire déclare crédible, dit avoir suivi ce seul et même ovni entre deux villages proches. Comment est-ce possible? J.Luc Lemaire explique toutes les observations par un seul et unique objet dont il se vante d'avoir le portrait robot de côté, dessous, derrière et face par recoupement de tous les témoignages! En fait il s'agit tout simplement d'une pure construction de l'esprit amalgamant plusieurs avions différents, circulant sur des couloirs différents, vus d'endroits différents. Le beau temps et la nuit des étoiles filantes ont fait que beaucoup de gens ont regardé vers le ciel. Le battage par le CEOF08 via la presse sur le film vidéo d'un ovni a suscité des témoignages de personnes qui, JLL le dit lui même, parlent "tous d'un étrange avion ou hélicoptère"! Enfin comment un drone pourrait-il traverser toute la France?

Ceux qui prétendent comme le CEOF08 (et UFOCOM) avoir vérifié auprès de l'aviation civile et militaire l'absence de tout avion durant ces deux heures devraient alors admettre le gros mystère qui en découle. La fréquence de passage des avions de ligne (et autres) observée à Floing (mais aussi dans d'autres villages cités par J.Luc Lemaire) variant en fin de soirée de 5 à 8 avions par heure, il est donc matériellement impossible qu'aucun ne soit passé dans ce secteur ardennais, même restreint au Sedanais, durant deux heures (ni même une). CQFD

Lors de la conférence, un passage de la vidéo a été diffusé. Sa durée était de 1mn 18s! Pas de 10s ni de 20s...Des images non montrées à la TV sont donc toujours méconnues. Comme par un vilain hasard, ce sont celles qui ressemblent le plus à celles que nous avons pu filmer (un clignotant rouge est visible entre deux feux blancs) sur des avions de passage au loin. Jamais nous n'avons eu l'occasion d'entendre la bande son complète en même temps que toutes les images. Il est vrai que des jurons sont prononcés par les vidéastes mais le prétexte paraît bien faible pour censurer tout le son. N'en entend-on pas fréquemment dans certains films tout public ?