Cercle Zetetique

La Radiesthésie pour les nuls !

Dossier réalisé par Patrick Berger.

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Cette fiche technique a pour objectif de présenter sommairement la radiesthésie et l’approche zététique que l’on peut en avoir.


La « radiesthésie » regroupe un ensemble de méthodes de recherche à l'aide d'ustensiles tel le pendule ou la baguette de sourcier.

Le comportement de ces objets est supposé être sensible à la présence de fluides impondérables, de champs magnétiques, de qualités occultes ou encore de propriétés parapsychologiques.

Un peu d'histoire pour commencer

La baguette

Dans l'Antiquité, on prêtait déjà au bâton la propriété de médiateur des puissances occultes ou divines. La Bible raconte comment Moïse manifeste la puissance de Dieu à travers son bâton. En Égypte, des magiciens chaldéens auraient pratiqué la « rabdomancie », art de la divination par la baguette.

La baguette semble être cantonnée à un usage divinatoire jusqu'au XVe siècle. C’est à cette époque que l’on trouve les premiers écrits relatant la recherche de métaux ou d'eaux souterraines grâce à cet ustensile.

En 1692, dans le Dauphiné, Jacques Aymard signe quelques hauts faits de cette pratique en appliquant à la recherche de voleurs et de meurtriers. Dans son livre traitant de la Physique occulte (1693), l'abbé Vallemont propose une explication au phénomène. Pour lui, il s’agit de la manifestation d’une force analogue au magnétisme. Des corpuscules semblables aux aimants seraient libérés au moment où les meurtriers commettent leur forfait. La baguette permettrait alors de détecter ces corpuscules et ainsi de retrouver les criminels.

Les capacités de J. Aymard furent testées plus tard par la police du roi. Celle-ci conclut par la négative. Quant au livre de l'abbé Vallemont, il fut mis à l'index par l'inquisition suite à la présentation de l'Histoire critique des superstitions du Père Lebrun en 1701.

Le pendule

Contrairement à la baguette, on ne trouve guère d'emploi du pendule pendant l'Antiquité, le Moyen-Âge ou la Renaissance.

C'est en 1808 qu'un professeur à l'école spéciale de médecine de Strasbourg, A.C. Gerboin, publie ses Recherches expérimentales sur un nouveau mode d'action électrique. Cet ouvrage caractérise et classifie les différents modes de réactions d'un pendule tenu par l'homme en fonction du matériau au dessus duquel il se trouve. A.C. Gerboin y voit la manifestation d'une « faculté organo-électrique » de l'homme et popularise ainsi l'usage du pendule.

Ce bref historique est un résumé d'un rapport pour l'Académie des Sciences écrit par le chimiste français, Eugène Chevreul, et intitulé De la baguette divinatoire, du pendule dit explorateur et des tables tournantes (1854). Dans ce rapport, le chimiste présente ses travaux expérimentaux sur la question. Impressionné dans les premiers temps par la présence d'une force extérieure qui semble s'imposer à lui, il conclue néanmoins que cette force résulte de petits mouvements musculaires inconscients et dont la cohérence est le fait de l'autosuggestion.

Mais les travaux de Chevreul n’enrayeront pas la pratique de la baguette ou du pendule. Cette pratique continue de se généraliser et de se populariser entre la fin du XIXe siècle et le début du XXe, période pendant laquelle la gloire de la science positive s'accompagne d'une mode extrêmement forte pour les phénomènes occultes.

Mais, le rationalisme montant, nombreux sont les adeptes de la baguette et du pendule ceux qui veulent démythifier ces pratiques et leur donner une raison scientifique. C'est ainsi que naît, à la fin des années 1920, le terme « radiesthésie » signifiant littéralement « sensibilité aux radiations ». La nouvelle théorie présente alors le « radiesthésiste » comme celui qui se sert de baguette ou de pendule pour détecter et amplifier un signal radiatif auquel il est sensible.

Cette pratique figure en bonne place dans les Merveilles de la science et de l'industrie publiées par Hachette en 1926.

Dans cette veine, Yves Rocard, feu le directeur du Laboratoire de Physique de l'Ecole Normale Supérieure, tente d'élaborer une théorie sur le biomagnétisme humain dans son livre intitulé Le signal du sourcier (1962). Ce livre l’amènera à rédiger par la suite un Que sais-je ? sur les sourciers. Ces différentes publications servent encore aujourd’hui de caution scientifique à toutes les croyances liées au mot « magnétisme ».

Gravure du chimiste français Eugène Chevreul (1786-1889).

La pratique

Le pendule et la baguette peuvent être utilisés pour tout type détection.

Le signal cherché est détecté quand :

  • les baguettes passent d'une position métastable à une position stable :
    • tige de noisetier (coudrier) semi fendue : tordue vers le haut > vers le bas.
    • baguettes de cuivre coudées : alignées > croisées
  • Le pendule passe :
    • soit de sa position d'équilibre verticale  à un mouvement,
    • soit d'un mouvement de balancier à un mouvement circulaire.
  • NB : Le sens des aiguilles d'une montre est dit « positif » et le sens inverse, « négatif ».
Les emplois sont alors multiples.

Avec les baguettes on cherche sources, métaux, trésors, cavités naturelles...

Avec le pendule les domaines d'application sont nettement plus variés :

  • Médecine : détection de pathologie et de l'organe touché, mesure de la tension artérielle, sexe du futur enfant, détection d'aliments avariés, etc.
  • Prospection : recherche de personnes disparues ou de gisements cachés sur une carte, recherche de numéros gagnants sur une grille de loto, etc.
  • Vie de tous les jours : prise de décision, prédiction du futur, etc.

L'approche zététique

La théorie du biomagnétisme humain pour expliquer la radiesthésie est cohérente et a l'air plausible : les débats autour de cette théories peuvent donc difficilement être tranchés par le simple moyen de la réflexion et de la discussion.

Question : Comment alors mettre en oeuvre son esprit critique face à ce genre de phénomène ?
Réponse Zététique : En passant par des expériences simples et probantes qui vérifient la présence d'un signal radiesthésique permettant une meilleure détection que le simple hasard !

Question : Quels sont les ingrédients de telles expériences ?
Réponse Zététique : II faut se mettre d'accord précisément sur le phénomène à étudier c'est-à-dire savoir le caractériser pour l'identifier (e .g . déplacement dans le sens positif d'un pendule en présence d'eau).

Ensuite il faut bâtir un protocole expérimental qui vérifie trois règles :


1. Existence d'un groupe témoin
On doit pouvoir identifier le phénomène par comparaison avec un groupe qui ne diffère que sur la variable à étudier (e.g . présence ou absence d'eau). Des erreurs classiques consistent à ne pas avoir deux groupes identiques, à la variable étudiée près, ce qui a pour effet soit de voir des phénomènes dus à une autre variable, erreur de première espèce, soit de ne pas voir de phénomène car une autre variable le cache, erreur de deuxième espèce.
Dans ces variables, rentre en compte la volonté consciente ou inconsciente de faire réussir l'expérience. Il faut donc s'assurer d'une deuxième règle.

2. Double aveugle
Ni le sujet, ni celui qui note les résultats du sujet ne doivent savoir s'ils font partie du groupe témoin ou non (une tierce personne doit donc leur cacher à tous les deux s'il y a de l'eau ou pas pour ne le divulguer qu'au moment du dépouillement).

Nombre de nos comportements sont inconscients et peuvent influer sur le résultat d'une expérience (e.g. effet placebo, cold reading, etc.). Parmi ces comportements inconscients il y a aussi notre incapacité à simuler humainement le hasard c'est pourquoi il faut appliquer une troisième règle.

3. Répartition aléatoire des groupes
Afin d'éviter que les sujets et l'expérimentateur n'obtiennent aucune information sur le groupe auquel ils appartiennent, la répartition des groupes doit se faire par tirage au sort.

Ces différentes règles expérimentales ont pour but d'éviter bon nombre d'effets pervers connus en zététique pour influencer aussi bien le résultat d'une expérience que notre interprétation de celle-ci.

Pour aller plus loin

On peut faire des expériences simples avec ses amis pour prouver l'influence de l'autosuggestion en précisant avec un premier groupe qu'au dessus d'un verre d'eau le pendule se met à tourner dans le sens positif puis avec un deuxième que cela se passe dans l'autre sens.

D'autres domaines paranormaux sont connexes à celui ci comme les tables tournantes et le spiritisme en général (écriture automatique, ouija, etc.) ainsi qu'en témoigne cet article de Michael Faraday.

Sur le site Internet de la Bibliothèque Nationale de France, on trouve bon nombre d'articles et d'ouvrages anciens comme :
E. Chevreul, Examen d'écrits sur la baguette divinatoire, le pendule explorateur et les tables tournantes.  Journal des savants (1853-1854)

On consultera avec plaisir les ouvrages génériques suivants :

  • H. Broch, Le Paranormal. Point Science, Ed. Seuil
  • Enquête Z n°2 : Dossier la Radiesthésie
  • Des savants face à l'occulte 1870-1940, science & société. Ed. La Découverte
Enfin, il est impossible de passer à côté de l'expérience de Munich qui jette un pavé bien lourd dans la « mare radiesthésiste ».
Pour découvrir cette expérience de grande ampleur, les anglophones pourront consulter un article de Jim enright paru dans le Skeptical Inquirer de janvier-février 1999, et son complément statistique par Tom Napier.

Extrait de Les Bidochons, tome 18, Binet
(avec l'aimable autorisation de Fluide glacial)

Du coté « croyant-scientifique » on peut lire l'incontournable : Y. Rocard, Les Sourciers, Que sais-je ? P.U.F
Et du côté des farfelus les plus médiatiques : B. Goeury, Milliardaire grâce au pendule, venue témoigner dans l'émission Normal/Paranormal de M6 du 12/12/2001 face à votre serviteur.

On peut aussi aller flâner à l'incroyable Salon de la parapsychologie qui se tient chaque année et dont la dernière mouture (2001) ne manquait pas d'exposants vantant les mérites de bracelets magnétiques connus pour leurs vertus curatives depuis les travaux d'Y. Rocard.

Il ne faut pas hésiter non plus à visiter quelques boutiques d'ésotérisme pour se rendre compte du marché impressionnant de la radiesthésie à la simple vue du prix d'un pendule (entre 15 et 100 euros) ou de la pléthore d'ouvrages sur le sujet.

Enfin dans la région grenobloise, quelques « géobiologues » ont fait leur apparition et nettoient vos murs de leur passé ou harmonisent votre demeure grâce à des menhirs dont la position est déterminée par des baguettes radiesthésiques le tout pour quelques centaines d'euros.

N'hésitez donc pas à vous lancer dans l'aventure Zététique
et à mener vos propres enquêtes de terrain !

P.B.
Cette fiche technique (réillustrée pour le site) a été réalisée par l’auteur pour un atelier zététique à l’université de Grenoble I en février 2002. Depuis, elle a servi de support à d’autres travaux de recherche sur le "magnétisme" ou de vulgarisation de la zététique.