Cercle Zetetique

Le sarcophage d'Arles sur Tech

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L'article suivant est ©1992 par Henri BROCH, Minitel 36.15 ZET, Université de Nice-Sophia Antipolis, Parc Valrose, 06108 Nice cedex, France. L'autorisation a été accordée pour une circulation électronique non commerciale de cet article dans son intégralité, incluant cette notice.


Arles sur Tech est une commune des Pyrénées-Orientales. Cette tombe est un vieux et lourd sarcophage en marbre qui se trouve à l'air libre dans une courette, au bas d'un mur d'une douzaine de mètre de haut (la cour n'est pas fermée du coté nord et donne sur une place). Le couvercle de ce sarcophage est aussi épais que les parois (environ 15 cm) et repose d'une façon imparfaite sur ces dernières. On peut même glisser les doigts dans l'interstice en plusieurs endroits. Le sarcophage ne repose pas directement sur le sol mais par l'intermédiaire de deux blocs de marbre.

Le phénomène "miraculeux" présenté par ce sarcophage est le suivant: Chaque jour, il semble se rassembler à l'intérieur du dit sarcophage une quantité d'eau assez importante (de l'ordre d'un litre en moyenne) quasiment "pure" et à laquelle on attribue des qualités curatives. On peut puiser l'eau par un petit trou situé sur un des petits côtés, à la jointure du sarcophage et de son couvercle, trou par lequel une petite pompe à siphon est introduite. Il arrive que "le sarcophage déborde". La production aurait même atteint quelquefois 800 litres par an... Il n'y a apparemment aucune supercherie, aucune tuyauterie, aucun remplissage extérieur...

Photo Henri Broch. Reproduction interdite.

Alors, miracle ? Mystère irrésolu comme l'a prétendu une émission de TF1 ? L'émission (diffusée en 1993) a présenté l'enquête faite il y a une trentaine d'années par des hydrologues...pour conclure, in fine, que "les études menées jusqu'à présent...laissent une petit peu à désirer" et que " la Sainte Tombe ne livre pas son secret". Contrairement à ce qui a été affirmé explicitement dans l'émission et dans différents écrits, l'enquête menée il y a une trentaine d'années par des scientifiques a permis de conclure de manière très nette.Ce sont les résultats de ces hydrologues - MM Perard, Honoré et Leborgne - que nous portons à votre connaissance par de larges emprunts pour un résumé de la publication d'origine.

L'enquête menée s'est faite avec l'accord et la collaboration du curé d'Arles sur Tech, qui a mis les clefs pour ouvrir l'enceinte dans laquelle se trouve le sarcophage, à la disposition des chercheurs ( et avec la collaboration de Mr Rougé, instituteur en retraite). Durant l'année 1961, pendant deux mois et demi -une seule interruption pour Pâques en raison des visites de fidèles et touristes- des mesures, observations et expériences ont pu être effectuées selon un programme établi à l'avance.

Les hypothèses qui avaient pu être émises a priori étaient:

  • Condensation de l'eau contenue dans l'air pendant les heures chaudes de la journée (cad quand la température des parois du sarcophage est inférieure à celle de l'air ambiant).
  • Remontée capillaire par l'intermédiaire des dès (les "cales").
  • Phénomène de rosée (refroidissement du sarcophage pendant la nuit par suite du rayonnement, avec abaissement de la température des couches d'air voisines et dépôt de gouttelettes d'eau).
  • En complément de ces hypothèses, traversée possible du couvercle par l'eau condensée (et l'eau de pluie ?) par effet de capillarité et gravité.

Le sarcophage reste d'aspect sec et la température à l'intérieur est supérieure de 2 à 3 degrés à celle de la paroi externe et non sur la face interne du couvercle.

Les mesures effectuées ont porté sur:

  • L'humidité (hygromètre enregistreur placé à coté du thermomètre).
  • La direction et la force du vent.
  • La pluviométrie.
  • La température (thermomètre enregistreur placé à proximité du sarcophage, bande relevée toutes les semaines).
  • Le niveau de l'eau dans le sarcophage (niveau repéré, sur une réglette graduée, dans un tube relié par un siphon à l'intérieur du sarcophage).

Les expériences faites sur place (d'autres expériences ont été faites en laboratoire):

  • Masticage du pourtour du couvercle de façon à savoir si l'eau venait uniquement de l'air qui peut circuler dans le sarcophage.
  • Pose d'une housse en nylon sur le couvercle avec un espace de 5 cm laissé pour permettre une circulation d'air.

De façon à rendre les résultats plus significatifs, chaque expérience a été faite pendant au moins une semaine et a été précédée et suivie d'une semaine sans expériences.

Courbes de températures régulières :T° minimale vers 6h du matin, valeur 5 à 6° en mars, un peu plus élevée en avril. Maximum à 14h n'ayant jamais dépassé 19° centigrade. Variation journalière moyenne d'une dizaine de degrés.

Courbes d'humidité relative irrégulières, de 50 % certains jours à 80 % d'autres. Minimum vers 14H et maximum vers 6H. Valeurs très faibles en présence de tramontane.

En résumé, deux mois sans pluie, deux mois sans variation du niveau d'eau dans le sarcophage (excepté la baisse due aux prélèvements de M. le curé). Ce 1er résultat-constatation est très important. Il montre "qu'il ne se produit pas 1 à 2 litres d'eau chaque jour, et la production n'est donc absolument pas continue, ce qui aurait pu être vérifié depuis fort longtemps".

Le 10 avril, il tombe 5,5 mm d'eau: Le lendemain 6,9 mm... et le surlendemain le niveau d'eau du sarcophage a bougé et s'est élevé d'environ 1 mm. Ce relevé et ceux des jours qui suivent jusqu'au 23 avril sont donnés sur un tableau transcrit sous forme de courbes. Le graphique (hauteurs de pluie cumulées, variation du niveau d'eau dans le sarcophage et transformée de la courbe de niveau dans le sarcophage) montrent de manière très claire que le sarcophage profite de la pluie pour se remplir. Les hydrologues -leurs arguments étant étayés par d'autres éléments que les simples tracés précédents en sont arrivés à conclure que l'eau met en moyenne cinq jours pour traverser le couvercle et qu'un tiers de l'eau de pluie est récupérée en moyenne dans le sarcophage. Un coup d'oeil indiscret à l'intérieur du sarcophage par les petits interstices disponibles avait d'ailleurs déjà montré la présence de grosses gouttes d'eau rassemblées en quelques endroits du couvercle (la pluie précédant cette observation datant de 20 jours avant, cela montre que l'écoulement de toute l'eau peut être assez long comparé à la moyenne). De l'eau versée goutte à goutte sur le couvercle du sarcophage disparaissait presque immédiatement en humidifiant un cercle de plus en plus grand, et bien que la surface du couvercle soit très en pente, le cercle mouillé avait son centre exactement au point d'impact de la goutte. Certaines zones du couvercle sont plus poreuses que d'autres. Sa surface est irrégulière et présente notamment des petits trous hémisphériques de 1 à 2 mm de diamètre qui, une fois remplis, se vident en 45 secondes environ.

Graphique Henri Broch. Reproduction interdite.

Des tests de perméabilité ont également été faits sur des échantillons de marbre provenant de "la seule carrière qui ait pu vraisemblablement fournir à l'époque le matériau dans lequel a été creusé le sarcophage.

Au passage, l'étude nous apprend que certaines expressions sont trompeuses. Ainsi, lorsque l'on dit ou écrit: "Le sarcophage déborde parfois", ce qui fait penser à, au moins, un filet d'eau qui coule, la réalité contenue dans cette expression est différente puisqu'elle est tirée d'un constat signé pas 10 personnes le 3 avril 1942 et qui dit: "Le sarcophage est plein, le liquide déborde, une grosse goutte tombe toutes les deux minutes sur le devant du tombeau." (le tombeau est légèrement incliné, ce qui explique le débordement en un point bien précis seulement).

La conclusion générale sur le sarcophage d'Arles sur Tech est la suivante:

"Le couvercle du sarcophage est perméable et l'eau de pluie y pénètre, met 4 à 6 jours en moyenne pour traverser la pierre et s'écoule ensuite goutte à goutte à l'intérieur. Comme il ne peut y avoir de circulation d'air importante entre intérieur et extérieur, il n'y a pratiquement pas d'évaporation et l'eau peut donc bien s'accumuler. Comme, de plus, l'eau de pluie lave et attaque même légèrement le couvercle, celui-ci reste propre et perméable, et le phénomène peut se prolonger indéfiniment." "Pourquoi alors l'eau reste t-elle dans le sarcophage puisque le corps de celui-ci est également en marbre ? Tout d'abord, la pierre n'a pas rigoureusement le même aspect, et il est possible qu'elle ait été taillée dans un banc très peu blanc très peu perméable. D'autre part, l'eau stagnante dans le sarcophage laisse déposer les moindres particules qu'elle peut contenir, et il se dépose également le peu de poussière qui arrive à passer par les interstices." (Plus de 2 Kg de boue noire ont été retirés du sarcophage en 1950, provenant d'un dépôt de 150 ans maximum; ouverture sûre en 1795 mais on ne sait pas si entre cette date et 1950, le sarcophage fut ouvert). "On peut également penser qu'un peu de poussière est entraîné par l'eau qui ruisselle sur le couvercle et pénètre entre couvercle et corps (phénomène de la "goutte pendante")... Les dépôts ont dû s'accumuler, au cours des siècles, rendant le sarcophage étanche en pénétrant dans les pores de la pierre..." La conclusion signale encore que le couvercle étant perméable, le phénomène de rosée reprend toute sa valeur, car l'eau qui se dépose sur le couvercle peut ensuite pénétrer. En résumé et comme le disait le Professeur Leborgne en présentant le travail: "Nous avons mis le doigt sur la goutte qui remplit le sarcophage."

Le fabuleux mystère du sarcophage d'Arles sur Tech porté à la connaissance du grand public par l'émission "Mystères" de TF1 se réduit donc dans les faits à un phénomène naturel qui n'aurait, suite à l'enquête des hydrologues de 1961, plus attiré l'attention de personne... s'il n'y avait eu la désolante et lamentable désinformation à laquelle se sont livrés les producteurs et le journaliste présentateur.


Source: 3615 ZET, les dossiers scientifiques du paranormal. Le service Minitel ZET est proposé par l'université de Nice Sophia-Antipolis,. Regroupant un grand nombre de dossiers scientifiques consacrés aux phénomènes réputés paranormaux, il est placé sous la responsabilité du Professeur Henri Broch.