La parapsychologie se trouvant dans une impasse, la géologie pouvait faire son retour. Mais avait-elle disparu ? Certes pas. Le 6 février, déjà, un article de Midi Libre signé par Jean Vianès proposait "une explication "terre à terre"". Rappelant que l'activité hydraulique souterraine, bien que fort bruyante, est inaudible
Jean-Claude Gilly, hydrogéologue au Laboratoire départemental de la D.D.E. confirme l'analyse de Jean Vianès : "La maison des B. se situe dans un endroit bien particulier. On a derrière une garrigue calcaire très fissurée, où il y a des avens, où l'eau s'infiltre facilement, et puis la maison est construite en aval d'une faille sur des argiles, avec un niveau d'agglomératique, ce sont des cailloux roulés agglomérés. Donc tout de suite, ce qui m'est venue à l'esprit, c'est de voir si il y avait une possibilité de circulation dans le karste (c'est à dire le calcaire qui se trouve derrière la maison) : on sait que lorsque l'eau s'infiltre dans les calcaires, elle circule comme dans des conduites d'eau, dans un tuyau. Ceux-ci ont des diamètres différents, larges ou étroits : lorsque la conduite est étroite, l'eau circule rapidement, à des grandes vitesses, et puis elle arrive dans des parties beaucoup plus large, et là, la vitesse se trouve réduite. Un dépression se crée, avec un claquage et arrachement de matière, ce qui produit des bruits assez spectaculaires. Mais comment ces bruits pouvaient-ils arriver à la maison des B. ? On pouvait l'expliquer par ce banc de colonat, un banc dur, qui transmettait ces bruits jusqu'aux fondations de la maison. Il faut quand même décrire la maison des B., qui est une ancienne cave à vin, très favorable à faire une caisse de résonance. Tout se prêtait pour que la structure amplifie les bruits circulant dans le sol." Pour mieux comprendre quel est l'état du sous-sol dans ce secteur, il faut rappeler que le 4 décembre 1985, des mouvements de terrains ont affectés la zone, amenant le B. R. G. M. à mener des études géologiques et géotechniques. Le diagnostic fut énoncé en trois points :
Ces travaux conduisent le BRGM a établir une cartographie des zones à risques de la commune. Si le Mas de Lacoste se situe en zone A ("zone à priori stable"), la maison des B. se trouve 150 mètres en aval d'une zone B ("susceptible d'être le siège de mouvements de terrains associés à des effondrements du karst ou rejeu de grands accidents structuraux") au centre de laquelle se trouve une zone C ("zone fortement karstifiée et/ou fracturée, ayant déjà localement été affectée par des mouvements de terrains importants"). En fait, la colline qui surplombe la maison des B. (et par où passent toutes les eaux de pluie) est un véritable gruyère instable. Un sous-sol karstique, une habitation dont la structure constitue une parfaite caisse de résonance... Il nous manque l'eau. Les habitants de Vailhauquès se souvenaient bien de fortes pluies en octobre-novembre... Mais que veut dire "fortes pluies" ? Plus fortes que l'année dernière, ou alors des pluies comme il en tombe chaque année à la même période ? Nous sommes allés consulter les relevés pluviométriques. C'est un élément essentiel dans le dossier Vailhauquès, mais, à notre connaissance, aucun des acteurs de cette histoire n'avait fait cette démarche. L'Association Climatologique de l'Hérault publie chaque année les Annales climatologiques départementales. Elles regroupent tous les relevés pluviométriques de chacune des stations de Météo-France disséminées sur le département. Et nous avons eu de la chance : non seulement il existe une station météo à Montarnaud (cave coopérative), à 2 km à vol d'oiseau de la maison des B., ce qui nous fournit donc des données fiables, mais en plus, cette station a commencé à fonctionner en janvier 1987, l'année où débute l'affaire ! (Peut-être est-ce un signe... :-) Nous avons pu obtenir copie d'un relevé par décade (cumul sur dix jours). Et savez-vous, sur les 1200 décades composant les 10 années qui vont de 1987 à 1997, la quelle détient le record de pluviométrie avec 253,3 mm ? La première décade d'octobre 1987 ! Avec, pour la seule journée du 10/10/87, 145 mm de pluie... Tout cela, un peu moins d'un mois avant que les premiers coups soient entendus dans la maison. Mais ce n'est pas tout. Le cumul pour ce mois d'octobre 87 est de 390,1 mm. Ce total, important, se classe en quatrième position de tous les cumuls sur trois décades consécutives en dix ans. Mais, celui de 1987, en plus de comporter la décade record, est suivie en novembre-décembre (Novembre 3 + Décembre 1 et 2) d'une nouvelle série avec 359,2 mm. Aucune des autres séries n'est suivie d'une seconde d'une telle importance. On peut donc estimer que les fortes chutes d'octobre ont gorgé les sous-sol, avec les conséquences que l'on connaît, et que les réserves ont été réapprovisionnées avec les nouvelles pluies de novembre-décembre. Ajoutez une nouvelle décade très pluvieuse en janvier 1988 (168,1 mm durant la deuxième décade), et vous avez un phénomène qui se maintient dans le temps. Les géologues avaient prévus la fin du phénomène lorsque la pluie cessant, les réserves du sous-sol seraient épuisées. Bingo ! 7,9 mm de pluie lors de la première décade de février 88, 0 mm durant les 30 jours qui suivirent, à peine 5,2 durant la deuxième décade de mars et 1,2 pour la troisième... C'est à ce moment que les B. signalent l'arrêt des bruits. Nous avions une maison, parfaite caisse de résonance, bâtie sur un sol propice à des phénomènes sonores... Voila des pluies, exceptionnelles et parfaitement réparties dans le temps, qui complètent le tableau. L'hypothèse géologique se trouve renforcée par tous ces éléments. Il reste pourtant un problème : la "régularité" des bruits. Jean-Claude Gilly n'exclut pas que certains phénomènes sonores, peu audibles aient pu se dérouler en plein jour. Cependant, il avance l'hypothèse de l'existence d'un siphon, hypothèse partagée par Jean Vianès (ML 13/2/88) :
La question de la "régularité" relative du phénomène trouve ainsi une explication plausible. La régularité se retrouve dans le phénomène des geysers. Certains, comme le Strokkur (Islande) ont une régularité de 10 à 15 minutes, tandis que pour le Géant (USA) elle est comprise entre 27 et 97 minutes, tandis que pour d'autres, les moments séparant deux jaillissements sont de plusieurs jours, voire mois ou années. Mais il s'agit là d'un phénomène différent de celui étudié ici. Cependant, on oublit trop vite que la question de la régularité se pose aussi à l'hypothèse parapsychologique... laquelle s'est faite discrète sur ce coup-là. L'hypothèse géologique est encore renforcée par les résultats de la plongée dans le puits, le 12 février 1988, et l'abaissement du niveau de l'eau. Non seulement, les plongeurs vont, en frappant contre les parois, produire un bruit audible à l'intérieur de la maison, lequel sera identifié par les propriétaires comme étant identique à ceux qui hantent leurs nuits, mais encore l'existence d'une source souterraine est confirmée. De plus, l'abaissement volontaire du niveau de l'eau dans le puits, lequel était soupçonné de jouer un rôle d'amplification des bruits, a permis l'abaissement du niveau sonore des bruits entendus par la suite. Cependant, il se peut qu'il s'agisse d'une simple corrélation, les pluies s'étant raréfiées à la même époque. Enfin, lorsque Monsieur Gilly a fait part de ses conclusions, lesquelles ont été publiées en page Région de Midi Libre (16/2/88), il a reçu deux témoignages de personnes qui connaissaient un phénomène similaire dans leur propre maison, lesquelles étaient situées sur des sols karstiques (une entre Sommières et Lunel ; l'autre à Poulx, près de Nimes). Eux s'étaient simplement habitués à ces bruits. On le voit : les éléments en faveur de l'hypothèse géologique sont solides et nombreux. Jean-Claude Gilly, en scientifique, affirme que, vu toutes les conditions qui étaient réunies, cette hypothèse semble être suffisante à expliquer le phénomène dans sa globalité. Mais il "ne peut pas affirmer à 100 % que c'est ça !". Il est vrai que se promener au milieu de conduits karstiques n'est pas chose aisée... Mais pourquoi les bruits, en dix ans, n'ont plus été réentendus ? Nous avons vu que le niveau de précipitation n'a plus atteint les records qui ont marqué la période étudiée ici. Cela est un premier élément d'explication. Un deuxième réside peut-être dans le fait que la zone de Vailhauquès est géologiquement instable. L'étude du BRGM précise qu'en cas de période de sécheresse, des mouvements du sous-sol dans les zones B et C sont possibles. De faibles changements dans les karstes peuvent modifier radicalement le parcours souterrain de l'eau. Troisième piste, le bruits se seraient reproduits avec une fréquence et une amplitude moindre, de jour, ne permettant pas de les repérer.
Tableau récapitulatif
L'hypothèse géologique est, sans contestation possible, la plus solide et la plus étayée des deux. Principe d'économie oblige. Déjà, en 1988, le LPT ne pouvait ignorer la force de l'explication géologique. Il réussit évidemment à conserver la parapsychologie envers et contre tout, dans les deux conclusions qu'il a fourni : la première (LIGNON 1988c) dit que les hypothèses géologique et parapsychologique ne s'excluent pas. Elles se seraient donc manifestées simultanément ou alternativement. La deuxième (MICHEL 1988) : "...il semblerait qu'un phénomène géologique, dû à une brusque montée des eaux souterraines en novembre, ait déclenché chez les B. un phénomène de P.K.S.R. observé notamment le 30 janvier." Le poltergeist aurait donc été consécutif au phénomène géologique. Il est vrai que l'on peut mettre du poltergeist un peu partout : un livre en déséquilibre sur votre étagère finit par tomber ? L'hypothèse de la gravitation n'exclue pas l'hypothèse parapsychologique... Un journal, posé sur la table de votre salon de jardin, voit ses feuilles se soulever ? L'hypothèse d'un phénomène due au vent qui souffle n'exclue pas l'hypothèse parapsychologique... Il en faut hélas beaucoup plus pour affirmer la validité d'une hypothèse que seuls ceux qui y croient parviennent à observer (et encore... Voir Susan Blackmore).
"...dans la mesure où elle fait appel à la manifestation de possibilités inconnues de l'être humain l'hypothèse parapsychologique est dérangeante.(...) Il est donc toujours possible dans un cas comme celui de Vailhauquès de vouloir à tout prix que la géologie suffise à tout expliquer (...) car la géologie alors est rassurante. Aussi rassurante que le trou dans lequel l'autruche plonge sa tête." Sans commentaire :-) |