Nous traiterons ici de quelques épisodes polémiques de cette affaire. Polémique Lignon/CuniotAlain Cuniot, présent la nuit du 10 au 11 février, a eu une altercation avec Yves Lignon. Celle-ci, inscrite dans le deuxième rapport du LPT (LIGNON 1988b). Mais il n'y est pas question d'une exclusion d'Alain Cuniot par Yves Lignon. Pourtant, le 14 avril 1988, lors d'un débat télévisé sur feu La 5 (débat retranscrit par CUNIOT 1989, p.201-209), entre les deux protagonistes, Y. Lignon affirme : "... j'ai été obligé de vous expulser, cela figure dans un rapport de gendarmerie, étant donné votre attitude." Cuniot a obtenu de l'Adjudant Criado, commandant de la brigade de gendarmerie de Saint Gély qu'il n'était fait "nullement état d'une quelconque expulsion" dans le rapport de gendarmerie (CUNIOT 1989, p.272), ce que nous pouvons confirmer. Premier mensonge de Lignon. Toujours dans le même débat : YL : "J'ai parlé d'un trouble affectif (...). Ce n'est pas moi qui ai détecté ce trouble affectif, c'est un psychiatre qui était présent sur les lieux, et qui est membre de mon équipe." On l'a vu, le trouble affectif a été détecté dès la première venue du LPT, dont était absent le psychiatre. Deuxième mensonge. YL : "Ce n'est pas Gilly qui est descendu dans le puits de sa propre initiative, c'est moi qui le lui ait demandé." Faux. Le deuxième rapport du LPT (rédigé par Yves Lignon lui-même ! ) précise que "Monsieur Gilly a proposé de faire sonder le puit de la maison B. par un plongeur...", ce qui est confirmé par Jean-Claude Gilly lui-même. Troisième mensonge. YL : "Ce n'est pas moi qui ait truqué un communiqué de presse rédigé en commun par M. Gilly et moi-même, et précisant que l'hypothèse géologique n'excluait pas l'hypothèse parapsychologique..." Monsieur Gilly dément avoir rédigé quoi que ce soit avec Yves Lignon. Quatrième mensonge ? Tout ça en moins de deux minutes. Critiques de Lignon envers les partisans de l'hypothèse géologiqueLorsque Yves Lignon précise à propos de Jean Vianès qu'"il n'a à aucun moment quitté son bureau pour se rendre sur place", ce n'est qu'une remarque pleine de sous-entendu. Ceci-dit, à quoi sert de se déplacer alors que d'autres personnes sur place vous fournissent les renseignements, et que l'hypothèse géologique ne se vérifie pas en se rendant dans le salon des B. ? Plus méchante est la "précision" que donne Lignon en fin de son article de février 1998. Il précise que Jean-Claude Gilly (qu'il ne nomme pourtant pas... préférant l'appeler "ce géologue") "avait participé aux investigations de la nuit du 10 au 11 à la demande du (LPT). On jugera donc comme on voudra le fait qu'il ait décidé de réaliser des études complémentaires sans prévenir ceux qui l'avaient invité à intervenir ni même sans les avertir que ces études lui semblaient nécessaires et qu'il ait pour finir préféré laisser le (LPT) prendre connaissance de ses résultats dans la presse." Hors, Monsieur Gilly, s'il a bien été invité lors de la nuit organisée par Lignon le 10/11 février 88, n'est pas intervenu à l'invitation de Lignon ou du LPT, mais de Monsieur Bernard, Maire de Vailhauquès. Et ce avant cette fameuse nuit. Il ne devait rien au LPT, l'enquête étant placée sous la responsabilité de la gendarmerie. Plus fort encore : Les seuls travaux de Gilly dont les résultats ont été publiés dans la presse sont ceux du 13 février 1988 : ceux-là même dont Gilly a annoncé la tenue lors de la réunion du 10 février, ce qui est consigné dans le rapport du LPT (LIGNON 1988b) ! Assistons-nous là à un nouveau mensonge de Lignon, qui profiterait de la confidentialité des rapports du LPT à la gendarmerie pour contredire dans des textes publics certains faits contenus dans les premiers ? Ou alors, Lignon ne s'est pas relu et a rédigé son article avec la même légèreté qu'il aborde les faits. Polémique Lignon/Cercle zététiqueLe Cercle zététique du Languedoc-Roussillon a publié en 1996 (sur papier, puis placé au printemps 1997 sur le serveur internet du CZ) un court article sur Vailhauquès et l'intervention de Monsieur Lignon. En février 1998, Yves Lignon réagissait officiellement en plaçant un article en libre-accés sur le serveur internet de son groupe, le GEEPP (voir LIGNON 1998). Il y était dit : "Dix années après les faits, le Cercle Zététique diffuse des textes accusant le GEEPP d'avoir voulu faire passer en force l'hypothèse parapsychologique aux dépens de l'hypothèse géologique." En effet, nous maintenons cette position pour les raisons suivantes : Dans ses livres grand public où il évoque l'affaire, il prétend que c'est le LPT qui a résolu l'affaire, et que les coups se sont arrêtés définitivement après le départ de l'équipe. La preuve par trois :
Dans aucun de ces trois ouvrages (les seuls où il évoque cette affaire !), il n'est fait mention de la plongée dans le puits, de l'hypothèse géologique (coups de bélier, paradoxe de Venturi, siphon), de la persistance des bruits et de la conclusion des gendarmes. Yves Lignon ne fait pas que "faire passer en force l'hypothèse parapsychologique", il s'attribue (à travers le LPT) tous les mérites de cette affaire. Même le langage utilisé est trompeur : "...nous avons mis fin...". Met-on "fin" à un phénomène géologique du type Vailhauquès ? Et, si dans son article d'octobre 1988 il évoque la plongée dans le puits, il continue cependant à affirmer que les coups se sont arrêtés avec le passage du LPT. Et ce n'est pas le culot qui lui manque pour revenir affirmer que "le (LPT) avait, en accord avec l'hypothèse parapsychologique, parié sur la cessation des bruits à partir du 11 février. Il ne semble pas que la presse ait titré sur leur poursuite au cours des jours suivants." (LIGNON 1998). Il omet de signaler au grand public que le LPT avait aussi parié sur la cessation rapide du phénomène lors de sa première visite, le 30 janvier. Élisabeth Teissier annonce chaque année la découverte prochaine du vaccin contre le sida... Un jour, elle aura "raison". Nous ne discuterons même pas cette "victoire" tant elle est ridicule. Enfin, l'équipe Lignon était tellement convaincue de tenir la solution qu'il ne s'est même pas renseigné auprès des propriétaires ou de la gendarmerie pour vérifier si les coups s'étaient arrêtés, et si oui à quelle date ! Comment expliquer cette légèreté vis-a-vis d'une affaire où le LPT s'était pourtant particulièrement impliqué ? Peut-être la foi de l'équipe dans l'explication parapsychologique (et ce au mépris de l'étude des faits dans leur globalité)... Peut-être la connaissance de la faiblesse de l'hypothèse parapsychologique, qu'on ne voulait pas voir contredite par les nouvelles découvertes... Peut-être le LPT a cru que c'était lui qui menait l'affaire, attendant à Toulouse qu'on l'informe, alors que c'est la gendarmerie qui était chargé du dossier ? Rien de scientifique dans ce soudain éloignement. Pour préparer cet article, nous avons voulu réaliser une interview de Monsieur Lignon. Sa réponse fut : " Ils commencent ici par faire pendre un homme puis ils lui font son procès" Non, non. Simplement, poser quelques questions auxquelles Monsieur Lignon n'avait manifestement pas envie de répondre. De la même façon qu'il n'a pas accepté de me faire parvenir copie de ses rapports à la gendarmerie. La lecture de ce dossier est éclairante quant aux motivations réelles de son refus. Lui demandant si il y avait dans ces dossiers quelques éléments gênants, il répondait : "Rassurez vous : s'il y avait dans ces dossiers quelque chose de gênant ceux, nombreux, qui ont pu y accéder (parce qu'ils étaient compétents ! ) l'auraient trouvé." Aujourd'hui, je me régale en relisant cette phrase... Ajoutons que Monsieur Lignon m'avait proposé d'écrire un article sur Vailhauquès dans la revue de son organisation, et ce, à une condition : "l'absence de mise en cause de personnes". Lui ayant répondu que, à mon avis, l'intérêt de l'étude de cette affaire résidait aussi dans son aspect pédagogique quant aux pratiques de ses acteurs, donc de Yves Lignon, il me répondait : "Je note par contre avec intérêt que vous insistez pour qu'on vous laisse vous en prendre aux personnes." Si montrer, preuve à l'appui, que Monsieur Lignon a agit en manipulateur à plusieurs reprises lors de cette affaire et de la polémique qui s'en est suivie, c'est "s'en prendre aux personnes", alors j'espère que Monsieur Lignon est aussi horrifié par ces journalistes qui "s'en prennent" à quelques élus, en les citant, pour des pratiques douteuses, preuves à l'appui... Pour Lignon, le journalisme d'investigation doit constituer une des abominations majeures de cette fin de siècle :-)
Pour conclureVailhauquès constitue un cas d'école. Classé par Yves Lignon parmi les trois cas de poltergeist "véritables" sur lesquels il a pu travailler (LIGNON 1994), il démontre mieux que tout comment se conduit le croyant qui se pare des vertus du scientifique. Comment ne pas penser alors aux propos de Monsieur B. évoquant Yves Lignon (ML 20/2/88) : "Nous ressentons très bien la foi de cet homme pour cette science qui ne le quittera jamais". Mais Vailhauquès, ce n'est pas que Lignon. C'est aussi Gilly, Vianès... L'affaire n'est pas devenu leur carte de visite, leur faire-valoir. Leurs hypothèses se sont construites avec les faits, leur démarche est d'abord scientifique et ils ne se sont pas laissés "impressionner" par la déferlante médiatique autour d'un soi-disant "Professeur". Exemplaires. Pourtant, il y a de nombreux enseignements à tirer de cette histoire, même parmi les éléments rapportés par le LPT (notamment sur la relation avec les médias, voir MICHEL 1988). Le principal restera, à mon avis, qu'une enquête dans un cas de ce type peut prendre du temps, et que la pression ne doit pas nous pousser à donner une conclusion hâtive. Ici, ce sont, dix années plus tard, les relevés pluviométriques qui nous donnent un élément essentiel. Un autre enseignement est peut-être que lorsqu'une hypothèse parait insatisfaisante à un moment de l'enquête, il ne faut pas forcément l'abandonner. |