Cercle Zetetique

OVNI : Quand des scientifiques trompent le public

par Éric Maillot

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VSD a publié au mois de juillet 1998 un numéro Hors Série intitulé "Ovnis, des preuves scientifiques" avec la caution de personnages tel que l'ancien président du CNES, André Lebeau...

La Photo du 5 novembre 1990

On y lit, en page 40, des commentaires relatifs à une rentrée atmosphérique qui fit du bruit, celle du 5 novembre 1990. Malheureusement, la première photo illustrant ces propos montre la suite de clignotements des feux blancs (bout d'aile) et rouge (ventral) d'un avion pris en pose d'environ une dizaine de secondes sur pellicule sensible... Les deux autres photos montrent encore des feux d'avion (ou d'hélicoptère). Afin de vérifier s'il s'agissait d'une grossière erreur de VSD, j'ai recherché d'autres articles où le SEPRA parlait de cette rentrée du 5 novembre 1990. Cette photo est déjà parue dans PARIS MATCH du 22 nov.1990 puis dans celui du 13 fév. 1997. Dans ce dernier numéro, les explications, très étranges, de l'expert du Service d'Expertise des Phénomènes de Rentrées Atmopshériques du CNES s'appliquent parfaitement à la photo de l'avion. Il semble donc qu'il les reconnaisse comme étant celles d'une rentrée atmosphérique! Elles ne correspondent pourtant en rien avec les milliers de descriptions testimoniales, qu'a dû recevoir et étudier M. Vélasco, ni avec l'aspect du phénomène réel tel qui fut d'ailleurs filmé. Si, contrairement aux apparences, M.Vélasco n'est pas à la source de cette erreur, je ne comprends pas pourquoi il n'a pas démenti cette interprétation délirante, qui décrédibilise le CNES et lui même, parue par trois fois avec ses interventions de presse depuis 1990...

La Photo du 5 novembre 1990 (couleurs)

M.Vélasco cite dans une interview "l'observation de Tours en 1976" comme une des plus éloquentes (voir page 53 col a/ et voir le récit détaillé en page 30 col a/ b/). Un bref résumé du témoignage publié du pilote permet d'arriver aux constats suivants qui ont visiblement échappé à l'expert du CNES :

  • Le pilote va de Rennes à Poitiers, donc direction SE ou SE puis E s'il suit des balises aéronautiques. Il voit l'ovni éblouissant devant lui semblant venir du sol comme une fusée d'artifice.
  • La description de l'aspect de l'ovni est conforme avec une météorite entrant dans l'atmosphère.
  • Début mars, l'essaim des Virginides est le plus actif.
  • Une simple vérification sur planiciel pour la date et l'heure TU montre que la constellation de la Vierge (Virginides) se trouve bien à l'E/SE et sur l'horizon. CQFD!
  • l'observation n'a pas lieu à Tours mais près de Poitiers...

Le réprésentant du CNES/SEPRA voit là "un cas sérieux (d'ovni) que l'on ne peut balayer par une explication rationaliste" (page 53 col a/ §2). Quelques lecteurs astronomes risquent, comme moi, de s'interroger sur le niveau de vérification et sur le rationalisme de la méthode utilisée par le SEPRA. Le reste du public, néophyte en astronomie, croira ce qu'un expert lui dit sur simple argument d'autorité.

Examinons un autre des ovnis les plus sérieux pour le porte-parole du SEPRA/CNES qui déclare avoir "pu corréler de façon parfaite" une observation visuelle d'un pilote avec une détection radar (voir page 53 col c/ et 54 a/ b/ et lire le récit détaillé en pages 22&23). Un oeil critique y constatera plusieurs anomalies (NDA :c'est un euphémisme) d'expertise :

Schema de l'observation

  • Le pilote voit un "ovni" à environ 40 km à droite de l'avion (à 10h au O/N.O) et au dessus de Paris. Pourtant le schéma radar montre un ovni détecté à gauche de l'avion et au dessus de Coulommiers! A aucun moment le pilote ne dit avoir vu l'objet s'approcher ou couper sa trajectoire...Dès lors, il y a deux objets distincts amalgamés en un seul pour cautionner un cas faible par une "preuve matérielle": un enregistrement radar. Sacrée corrélation!
  • Le steward et le copilote identifient, d'emblée, l'objet comme étant un ballon sonde. Seul le pilote y voit un objet singulier mais sans certitude suffisante pour faire un rapport officiel de son propre chef sur un... objet non-identifié.
  • Sur le schéma radar, Brétigny est mal situé puisqu'il est normalement au Sud d'Orly. En lieu et place, il existe bien une balise de navigation nommée BRY mais qui est située près de Bray. L'examen d'une carte d'aviation puis Michelin suffit à le vérifier.
  • Le pilote déclare avoir appris, a posteriori et avec surprise l'existence d'une trace radar. Non pas par le SEPRA, mais par PARIS MATCH! Le pilote a pourtant demandé confirmation auprès du radar de Reims au moment des faits mais ne dit pas qu'il a eu une confirmation d'un écho... puisqu'il n'en eût pas.
  • M.Vélasco parle lui de deux (si!) confirmations radar (page 41) sans obtention de l'altitude (pourquoi?) allant vers le 240° (SW) à la vitesse de185km/h et disparaissant au bout de 50 s. L'objet détecté ne peut être celui observé et se situe aux environs de l'aérodrome de Coulommiers. Il n'est pas cohérent avec le témoignage du pilote. Une des pistes de cet aérodrome est orientée NE- SW. Je doute fort qu'une recherche d'atterrissage d'avion sur cet aérodrome ai été faite par le SEPRA avant de crier à l'ovni disparaissant subitement d'un radar.
  • Un ballon sonde est écarté par le SEPRA notamment parce qu'il ne peut pas se déplacer à 200km/h. J'ai pourtant lu dans Espace Information, un bulletin du CNES (n°9 page 8 col a/), qu'il existait à haute altitude, justement en janvier, des vents forts faisant dériver les ballons en sens Ouest vers Est jusqu'à 300km/h (à 25000m...).
  • La coloration rouge de l'ovni me paraît exister sur certains modèles de ballons météo et l'existence de ballons sondes transparents d'environ 100m de diamètre doit aussi être connue du CNES. Mais existe-t-il dans le dossier d'enquête du SEPRA la preuve écrite qu'aucun lâcher de ballon sonde ne fut effectué par le CNES? Un document montre-t-il que le centre météorologique de Trappes, justement situé au N.W de l'avion, a été consulté pour vérifier l'inexistence d'un ballon?

J'en doute et sais, par expérience, qu'il m'est inutile de le demander au SEPRA qui a pour habitude de ne pas répondre aux demandes d'expertise ou d'information du public, même sur des rentrées atmosphériques (bolides ou artificielles), surtout quand elles proviennent de personnes étudiant les ovnis. Zététiciens tentez votre chance...Vous verrez ce qu'est le SEPRA/CNES. M.Vélasco dit en revanche beaucoup de choses, souvent fausses et en faveur d'un phénomène non humain-non naturel probablement extraterrestre, à la presse sachant que ce n'est pas de là que viendra une vérification ou une contestation de sa parole d'expert. Les ufologues les plus craints par M.Vélasco ne sont pas, à mon avis, les plus farfelus de l'ufologie mais les personnes les plus à même d'identifier les cas qu'il expertise comme étant, soit-disant, non-identifiés. Je peux vous nommer de très nombreux cas d'ovnis inclus dans le fichier des cas du GEPAN/SEPRA, officiellement classés D donc inexpliqués, qui sont explicables aisément! Les statistiques du SEPRA sont donc faussées et surestiment le nombre d'ovnis crédibles que M. Vélasco annonce au public lors de ces conférences aux quatres coins de la France.

Pour le cas précédent, l'hypothèse prosaïque d'un ballon illuminé par le soleil au sud, situé en arrière de l'avion, qui finit par ne plus refléter (l'avion l'ayant dépassé) et se confondre au loin avec le fond de ciel, pourrait ne pas avoir été examinée de manière très rationnelle ni très approfondie. Il en va de même pour les autres cas d'ovnis présentés dans ce VSD hors série et défendus comme étant difficilement contestables par M.Vélasco : ils sont tous assez facilement explicables. J'ai tout particulièrement approfondi, avec quelques amis, LE cas préféré de M.Vélasco : Trans-en- Provence (voir VSD p.18 col a/ b/ ; p.56 col a/; p57 c/). Il ressort de notre contre-enquête que la trace au sol laissée par l' "ovni" est consécutive à des ripages de pneus suite à des manoeuvres de véhicules! Lui voit là, avec l'Amarante, les deux cas les plus résistants ayant fait l'objet d'analysesqu'il dit scientifiques. Les lecteurs intéressés pourront se reporter au dossier très complet publié par la SERPAN qui montre en détail toutes les lacunes et dérives officielles de quelques scientifiques sous l'influence d'une croyance pro-extraterrestre.

Les déclarations officielles d'observation d'objets non-identifiés faites par des pilotes ou centre de contrôle de la navigation sont toutes envoyées au SEPRA. Lui seul les archive et peut les communiquer (cela ne veut pas dire qu'il le fait) uniquement à des scientifiques. La raison donnée à ce verrouillage de l'information : le respect du témoin, de sa quiétude privée et professionnelle ou de son anonymat! Une circulaire fut même diffusée, à la demande du SEPRA/CNES, auprès des gendarmeries afin de se méfier des personnes (ufologues) posant des questions sur ce sujet et rappelant de ne leur donner aucune information. Le respect de l'anonymat (si facile à préserver par caviardage des noms et adresses) et le secret défense (rarement remis en cause) y sont utilisés comme prétexte afin d'éviter que des groupes ufologiques ou chercheurs indépendants ne puissent obtenir des informations fiables ni vérifier la validité des enquêtes et conclusions des expertises du SEPRA/CNES.

Un pilote, qui désirait que son observation reste confidentielle, déclare dans VSD avoir été "obligé de sortir de son mutisme et de rédiger un rapport à sa hiérarchie et au CNES/SEPRA pour corriger quelques erreurs..." suite au déclarations qui furent publiées dans Paris Match le 13/02/1997. Par quel canal Paris Match a-t-il pu obtenir ces informations erronées et les données d'un centre radar militaire?

L'ex-président Lebeau dit être "aussi gêné de l'attitude irrationnelle (NDA : de refus des ovnis) de certains scientifiques que par celle de gens trop convaincus" (p.52) et "espère que l'on continuera à étudier ces phénomènes de façon sérieuse et que le SEPRA aura les moyens de le faire". Les moyens actuels, 1000.000f par an d'après M.Vélasco sur M6, me semblent importants pour le contribuable. Le sérieux des résultats et de la méthode d'expertise sont très contestables au vu des moyens et points exposés précédemment. Les propos (sus-cités) d'un tel haut responsable, scientifique de surcroît, ne peuvent qu'inciter un lecteur ignorant ou peu au fait de l'espace à croire, sur simple argument d'autorité, tout ce qui sera affirmé en faveur du rêve de l'ovni intelligent venant d'ailleurs. Je n'ai rien a priori contre cette idée en temps qu'hypothèse (ni pour, d'ailleurs). Mais la méthode utilisée ressemble plus à une croyance imposée comme un dogme par quelques doctes savants médiatiques qu'à une argumentation scientifique, vérifiée et vérifiable par tous, digne de ce nom.

J'enseigne à de futurs citoyens à apprécier les sciences et écouter le discours scientifique; leur apprends à observer, analyser, comparer, émettre des hypothèses et à les vérifier pour conclure. Est-ce utile si les médias et des représentants d'organismes scientifiques, civils ou militaires réputés leur disent croyez-nous : Nous sommes pilotes, commandant, ingénieur, ex-président; nous faisons autorité (sous-entendu : nous ne pouvons nous tromper) en la matière; nous avons vérifié pour vous! Combien tomberont dans le piège? Des milliers sans doute et pas forcément les moins cultivés. Il est bien connu que les plus sensibles aux croyances aux phénomènes paranormaux ou insolites sont des enseignants, des chercheurs, des médecins... Peut-être à cause du respect de l'écrit et de l'autorité qui leur fut inculqué durant leurs longues années d'études. Faute d'un manque d'éducation critique, ils se retrouvent en trop grand nombre dans des sectes très diverses.

Le CNES est connu dans l'éducation nationale pour sa collaboration efficace à une éducation aux sciences et techniques qu'il maîtrise. Il est évident que cette éducation est une condition nécessaire mais elle n'est pas suffisante pour être armé face à des croyances ou arguments d'autorité. Un exercice à la démarche critique, au questionnement sont aussi nécessaires pour éviter ces deux pièges qui dépossèdent l'esprit de son libre arbitre et de sa pensée logique. A cet égard les milliers de témoignages que le SEPRA a reçu, suite aux désintégrations de satellites et d'étage de fusée, démontrent à quel point l'information du public est insuffisante et aussi comment de nombreuses personnes, tellement impressionnées par ce spectacle auquel elles n'avaient pas été préparées, ont refusé l'explication réelle pour y préférer celle d'une croyance à une mini invasion de vaisseaux extra-terrestres. La science a donc échoué pour bon nombre de ces gens, même auprès de gendarmes ou de pilotes (voir VSD p19;26 col c/; 27col a/).

Il est grand temps d'inciter le CNES à prendre des mesures efficaces à ce sujet à la veille de l'an 2000. D'ici là, le ciel et la population seront agités par les flashs puissants des satellites Iridium et les retombées,de plus en plus fréquentes, de débris spatiaux comme la vieille station MIR, entre autres. De quoi nourrir les fantasmes les plus délirants sortis des X files ou des publications ufologiques françaises inspirées des USA.

Ce ne sont pas, à mon avis, les interviews du SEPRA/CNES qui ramèneront le calme. Quand on sait que M.Vélasco allié avec d'autres scientifiques français et étrangers (notamment américains) tente auprès de la C.E.E ou des Nations Unies d'obtenir un budget pour la création d'un SEPRA européen (et même américain), il me semble que l'affaire devient au moins aussi digne d'intérêt et inquiétante que celle d'une voyante qui ne paie pas ses impôts, que d'une astrologue qui gagne sa vie en faisant des prédictions statistiquement probables ou que d'un assistant de l'université de Toulouse qui cautionne la parapsychologie.

Les membres du Cercle Zététique étant pour beaucoup peu au fait du milieu ufologique, il m'a semblé utile de les informer qu'il y a là aussi un vaste champ d'action pour la démarche zététique. Seul, ou presque, je recherche des scientifiques diplômés qui oseraient faire contre-poids face à ces dérapages des instances scientifiques officielles. Les candidats sont priés de bien vouloir me contacter. Merci à ces courageux (que je crains de ne les compter que sur les doigts d'une main). A noter : Un courrier faisant état de tous les points développés ci-dessus (suite à la parution de VSD) a été expédié, courant juillet 1998 avec un exemplaire grâcieux de VSD, au président actuel du CNES. Mis à part l'accusé de réception du recommandé venant de la poste, la direction parisienne du CNES n'a donné aucune réponse à ce jour...